01/06/2012
Le léopard, de Jo Nesbø (chronique 3)
Une chronique d’Astrid
Mai 2012 : Le léopard parait en poche collection Folio policier. Frémissement dans le petit monde des libraires, qui le cœur battant tapissent leurs librairies de ce best-seller. Le lecteur va devoir courir vite s’il veut échapper à la plume du Norvégien Jo Nesbø, sacré nouveau King de la traque venue du froid.
Ce polar gargantuesque de plus de 800 pages ne révolutionne pas le genre mais réinterprète avec savoir-faire les bonnes vieilles ficelles du thriller. Sans surprise, vous retrouverez donc l’inspecteur Harry Hole, toujours porté sur la bouteille, mais exilé cette fois-ci à Hong-Kong et s’anesthésiant à renfort de biberons d’opium. Géant nordique au cœur balafré, Mister Hole a besoin d’enterrer sous les nouilles chinoises les dommages collatéraux laissés par l’affaire du bonhomme neige, vilain serial Killer du précédent roman de Nesbø. Pendant ce temps-là à Oslo, la brigade criminelle patauge dans une mare d’hémoglobine et reste sans voix en découvrant les cadavres de deux femmes sauvagement assassinées. Ne reste alors à Gunnar Hagen, chef de la brigade criminelle, qu’une solution : envoyer la belle et prometteuse Kaja Solness en Asie pour convaincre Hole de reprendre du service. Défoncé, mais le devoir chevillé au corps, l’inspecteur va donc retrouver les fjords norvégiens non pas pour une baignade revigorante mais pour filer le train à un psychopathe aussi opportuniste qu’un léopard. Cette chasse à l’homme à tête d’animal mènera Hole et Kaja Solness jusqu’au Congo car c’est peut-être au cœur de ce pays sauvage et volcanique que se terre la folie incontrôlable du grand fauve.
Censé ringardiser les enquêtes de Lisbeth Salander pour le groupe Millenium, Le léopard ne réussit son pari qu’à moitié. Le lecteur fera donc fi de la mise en garde de son libraire et ne se précipitera pas sur sa porte pour la verrouiller à double tour.
Certes menée avec savoir-faire, il manque cependant un zest de tension dramatique, de viscéralité à cette enquête qui laisse la part belle à la guerre des polices. En dépit d’un suspense destiné à nous couper le souffle, d’un savant brouillage de pistes, ou encore d’un inspecteur mi-Hole mi-Harry désabusé de la gâchette, le psychopathe mis en scène par Nesbø ne flanque pas assez la trouille. Soyez rassurés, vous digérerez donc sans difficulté votre toast au saumon fumé et ne vous retournerez pas dans la rue en pensant qu’un félin vous suit. Quand R.J. Ellory torture l’esprit du lecteur à coups de scalpels silencieux et se moque des souillures que laissera votre vomi sur les pages, Nesbø se contente de fabriquer le malaise en usant et abusant des archétypes du roman noir d’outre-manche.
Dommage, car certaines réflexions poético-alcoolisées de l’inspecteur Hole ‘Nous sommes tous corruptibles. Nous exigeons juste des prix différents. En monnaies différentes. La tienne, c'est l'amour. La mienne, c'est l'anesthésie. Et tu sais quoi... je crois que ça fait de toi quelqu'un de mieux que moi » passent inaperçues tant les personnages secondaires étouffent les 849 pages de leurs états d’âme interminables. Le léopard reste cependant un polar de bonne facture, écrit avec une plume « dite habile », qui aura toute sa légitimité dans votre sac de plage. Pour les inconditionnels de Millenium, n’ayez crainte Lisbeth Salander en a encore sous la semelle de sa Doc Martens.
Astrid Manfredi (laisse parler les filles)
La chronique de Richard sur Le léopard
La chronique de Christine sur Le léopard
Titre : Le léopard
Auteur : Jo Nesbø
Nombre de pages : 849
Editeur : Gallimard 2011 pour la traduction française – Folio Policier 2012
Traduit du norvégien par : Alex Fouillet
Note de l’éditeur : Brisé par son enquête sur le Bonhomme de neige, l’inspecteur Harry Hole a démissionné de la police Norvégienne et s’est réfugié à Hong-Kong dans le jeu et les vapeurs d’opium. Mais Oslo est le théâtre de crimes aussi étranges qu’effroyables : les victimes se noient dans leur propre sang. L’inspectrice Kaja Solness vient lui demander de l’aide pour élucider ces meurtres spectaculaires de jeunes femmes. Une traque qui va entraîner Harry Hole jusqu’en Afrique, au cœur des ténèbres…
« Si vous trouvez que Millenium est un chef-d’œuvre, c’est que vous n’avez jamais lu un roman signé Jo Nesbø » Bruno Corty, Le figaro littéraire
08:27 Publié dans 03. polars nordiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |