07/10/2012
Tabou, de Casey Hill
Une chronique de Jacques.
« Chic, un thriller anglo-saxon qui ne se déroule pas aux Etats-Unis mais en Irlande, et même à Dublin ! Voilà qui devrait nous changer de New-York ou Los Angeles et apporter au lecteur une atmosphère originale, différente. Peut être même un léger parfum d’exotisme va-t-il fleurir au fil des pages ? », me suis-je dit en recevant ce livre et en le feuilletant.
Après lecture, il me faut bien en convenir : c’est à peine si on se rend compte que l’histoire se déroule à Dublin. Mis à part les pintes de bière largement absorbées par certains personnages, notre tueur en série disciple de Freud pourrait officier à Prague, Oslo, Toronto ou Maubeuge, ça ne changerait rien de fondamental à l’ambiance de l’histoire. Nous devons donc nous faire une raison et voir là une confirmation de l’homogénéisation croissante de nos sociétés occidentales, de leurs mœurs, de leurs idées, de leurs musiques… et de leurs serial-killers. Comme nous le suggère Thierry à travers sa chronique sur le roman Le dernier lapon, peut-être faudrait-il aller jusqu’en Laponie pour être un peu dépaysé ? Mais pour combien de temps encore ?
D’ailleurs l’héroïne qui avait par son père une image d’un pays « tranquille et sans prétention », tombe de haut après quatre mois de vie à Dublin : « En fait d’irlandais décontractés et insouciants, elle trouva des gens extrêmement sûrs d’eux, éduqués et ambitieux, même si le pays, comme le reste du monde, avait récemment souffert de la crise financière et du chômage. Reilly ne s’était pas bercé d’illusions, elle n’avait pas une seconde imaginée que ce serait une partie de plaisir de travailler à Dublin, pourtant elle fut sidérée par le taux de crimes violents dans le pays, surtout pour une population si faible ».
Bref, vous l’avez compris, l’originalité de ce roman n’est pas à chercher du côté des descriptions des paysages et des mœurs de cet attachant pays de soiffards impénitents. Alors, me direz-vous, il faut la chercher où ?
Sans aucun doute au niveau de l’intrigue, plutôt bien ficelée, comme vous allez pouvoir en juger dans les paragraphes qui suivent.
En revanche, j’ai ressenti parfois une certaine frustration à la lecture, liée à quelques maladresses d’écriture dont je vais vous parler aussi.
Reilly Steel, jeune américaine d’origine irlandaise, revient dans son pays natal pour diriger la police scientifique de Dublin. Formée à Quantico par le FBI, c’est une pointure dans son boulot et elle est bien placée pour apprendre à ces ploucs d’irlandais comment il faut travailler avec rigueur et efficacité, avec de vraies méthodes tout ce qu’il y a de plus modernes qui nous viennent tout droit des states. Rassurez-vous : elle n’est pas seulement superbement intelligente et capable, elle est aussi championne de surf et accessoirement d’une beauté renversante ( et même époustouflante), ce qui ne gâche pas notre plaisir, bien au contraire. Jugez-en à travers la description qu’en fait l’inspecteur Chris Delaney, un beau brun ténébreux qui n’a pas du tout le type irlandais mais dont on pressent qu’il va très bien s’entendre avec notre scientifique de choc :
« Vu son métier peu reluisant, Reilly Steel était renversante. Ses yeux bleu profond dégageaient une intensité lumineuse et sa peau bronzée rayonnait dans sa combinaison blanche. Sous sa charlotte de protection en plastique, il imaginait sa chevelure blonde, et malgré sa beauté frappante, et peut-être justement à cause d’elle, il comprit tout de suite combien elle était brillante et intransigeante ». La suite nous montrera combien Chris a bien analysé la situation. D’ailleurs, même si vous n’avez pas la perspicacité d’un inspecteur irlandais, vous l’avez certainement remarqué vous aussi : dès qu’une fille est pourvue d’une beauté frappante, elle est généralement aussi brillante qu’intransigeante. Sinon, c’est qu’il y a une couille dans le potage !
Reilly ne tarde pas à repérer, derrière quelques crimes ignobles confirmant que l’Irlande a bien rejoint le camp de nos beaux pays hautement civilisés, la signature d’un même assassin, cachée sur les cadavres ou parfois à proximité d’eux. Et cette signature est en rapport avec le très honorable Sigmund Freud, qui aux dernières nouvelles n’était pourtant pas un tueur en série. Nous avons donc un serial-killer passionné par la psychanalyse, et qui dans chacun des crimes qu’il commet, tente de briser un tabou ( inceste, parricide, etc. ) et même de le faire briser par ses victimes. Comme vous le voyez, même si la perspective de vous allonger sur un divan pour raconter votre vie à un inconnu ne vous exalte pas, l’idée de départ est plutôt amusante.
L’intrigue est bien menée, mais l’écriture bien qu’efficace vive, est aussi un peu plate et abuse parfois sur les clichés (voir citation ci-dessus). Nos deux auteurs (Casey Hill est le pseudo commun des époux Melissa et Kevin Hill) ont particulièrement travaillé leur personnage principal, Reilly Steel. Ils ont compris qu’elle serait bien plus intéressante si elle avait un lourd passé familial à trainer et ils ont l’habileté de ne pas nous révéler d’un bloc les détails les plus croustillants de sa terrible histoire, mais plutôt de les distiller succinctement au fil des chapitres, jusqu’au dénouement final qui, il faut bien le reconnaitre, n’est pas dépourvu de suspense. De plus le lien entre Reilly et l’assassin ainsi que les motivations profondes du tueur sont là aussi déployées au fil des chapitres avec une certaine finesse. Cependant, il faut noter une contradiction entre ce que nous avons appris à la fin du roman de la personnalité de l’assassin et les méthodes hypersophistiquées qu’il met en œuvre pour commettre et signer ses crimes. Certes, comme nous découvrons cela à la fin du roman, ça n’est pas une gêne pendant la durée de la lecture, mais cela nuit à la crédibilité globale de l’histoire.
Au final, si je ne suis pas totalement convaincu par ce roman, il présente tout de même des qualités de construction réelles ainsi qu'une certaine créativité au niveau de l’intrigue, qui rendent sa lecture plutôt plaisante.
Attendons la suite, puisque la fin du roman laisse présager que nous retrouverons bientôt nos deux héros, Reilly et Chris, dans de nouvelles aventures.
Jacques, (lectures et chroniques)
Tabou
Casey Hill
Editions Les Escales (11 octobre 2012)
352 pages
22,50 €
Présentation de l’éditeur :
En quittant la Californie et le FBI pour diriger l'équipe médico-légale de la police de Dublin, Reilly Steel voulait prendre un nouveau départ et surmonter un lourd passé familial... Jamais elle n'aurait imaginé devoir capturer le tueur le plus pervers de sa carrière !
Mais quand les crimes se succèdent dans la capitale irlandaise, Reilly doit se rendre à l'évidence : un serial killer d'un genre nouveau est à l'oeuvre. Un adepte de Freud qui torture ses victimes en les forçant à transgresser tous les tabous. Et qui connaît Reilly plus qu'elle n'ose l'imaginer.
08:05 Publié dans 02. polars anglo-saxons | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |