Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/02/2013

Beso de la muerte, de Gilles Vincent

beso_de_la_muerte.jpgUne chronique de Paul.

Comme disait ma grand-mère, je préfère encore celui de mon mari, même s’il n’est plus tout jeune !

Il faut que Claire se manifeste le jour même de son mariage, mais apparemment cela semble sérieux. Pas le genre de blague que pourrait faire une ancienne épouse qui a quitté avec pertes et fracas son mari.

Mais remontons quelque peu le temps.

Thomas Roussel, commissaire de police à Pau, est un dipsomane, addiction qu’il avait réussie plus moins à juguler. Mais lorsqu’il a appris que la petite Marie Langevin, qui allait avoir huit ans, avait été retrouvée au bord d’un gave violée, éventré, étranglé, il n’a pu tenir ses engagements. Un coup dur qui l’a fait replonger dans la bouteille d’alcool, quitte à s’y noyer. Marie était sa fille non officielle. Claire en a marre et après cinq années de vie commune, elle a décidé de partir, de poser ses valises et son cartable d’enseignante ailleurs.

Grâce à Délia, Thomas a refait surface et c’est le jour de ses noces que Claire a décidé de lui lancer un appel au secours. En pleine nuit, son portable sonne et Thomas entend Claire qui l’adjure de venir la délivrer. Elle est à Marseille, enfermée dans une cave, près d’une gare ou d’une voie ferrée. Des hurlements puis plus éloignée sa voix qui crie : El Capitan, El Capitan.

Malgré le fait que Claire l’ai quitté précipitamment cinq ans auparavant, Thomas ressent encore sinon de l’amour au moins une certaine affection et de la compassion. Au petit matin il téléphone au commissariat central de Marseille, demandant si par hasard un cadavre n’aurait pas été trouvé durant la nuit. Ce n’est pas par hasard, mais des cheminots qui ont découvert un corps calciné près de la gare de la Blancarde. Aussitôt il prévient qu’il arrive tout en assurant à Délia qu’il sera rentré à temps pour leur voyage de noce.

Après un rapide voyage à bord de son véhicule (il ne respecte pas la vitesse limite, avantage que le simple pékin ne peut se permettre) il arrive enfin sur le lieu du drame. C’est la commissaire Aïcha Sadia qui est en charge de l’affaire. Thomas Roussel, qui a demandé que personne touche à quoi que ce soit avant son arrivée la rejoint sur place en fin de matinée. Aïcha l’attend en compagnie de ses hommes et de son ami Sébastien, détective privé, ce qui ne l’empêche pas d’être de bon conseil. Le légiste procède aux premiers constats. La jeune femme a été assassinée par un coup à la tête, puis dénudée. Ses os ont été brisés puis elle a été brûlée à l’aide d’un lance-flammes. Une bague est retrouvée sous les restes. Une bague que Thomas connait bien puisque c’est lui qui l’a offerte à Claire Dandrieux. D’ailleurs il peut fournir son signalement et son parcours professionnel sans consulter ses notes. Signe particulier, Claire était passionnée par l’Espagne et connaissait tout de son histoire récente. Une passion qui confinait presqu’à une obsession, comme le soulignera un peu plus tard son ami Estéban, lui aussi universitaire spécialiste de l’Espagne.

Esteban révèle aux policiers que Claire rédigeait un livre sur le GAL, les escadrons de la mort d’inspiration franquiste à la solde du gouvernement espagnol. Et elle prévoyait des révélations qui mettrait à mal de très importantes personnalités de la scène politique, tant en France qu’en Espagne. D’ailleurs elle était persuadée que le premier ministre de l’époque Felipe Gonzales était, malgré ses dénégations, au courant des activités de ce groupement qui chassait, torturait, assassinait les membres de l’ETA basque. Ce livre risquait d’être une véritable poudrière.

L’appartement de Claire a été fouillé de fond en comble. Il ne recèle ni ordinateur, ni cartable, ni appareil photo. Tout a été passé au crible, les pièces sont dévastées. Seule une carte postale collée sur le réfrigérateur peut fournir quelques indications. D’ailleurs elle est adressée à Thomas et confirme en substance les assertions d’Estéban. De plus elle a écrit une phrase sybilline : Pense à notre histoire, à nos rêves inaboutis, à cette croisée des chemins que nous avons manquée…

Aucun doute pour Thomas, Claire faisait référence à un voyage projeté quelques années auparavant, alors qu’ils devaient effectuer un pèlerinage à Compostelle, en empruntant le chemin des pèlerins au cerrefour de Gibraltar. Il s’agit d’un ancien couvent près d’Ostabat dans le pays basque. Aussitôt Thomas Roussel, Aïcha Sadia, ses hommes et Sébastien son ami prennent la route en compagnie d’Estéban qu’ils doivent déposer à Montpellier. Alors qu’ils arrivent devant chez Estéban, son appartement est soufflé par une explosion de gaz. Plus tard au cloître des Franciscains, alors qu’ils interrogent un vieux moine, une grenade est lancée par la fenêtre dans la pièce où ils se trouvent. Aïcha, à l’esprit vif et aux reflexes salvateurs, leur préserve la vie. Ils sont bien sur le bon chemin.

Pendant ce temps, à Madrid, le général Vargas, alerte centenaire, est inquiet pour son arrière et unique petite-fille Leonora. Elle a été enlevée et les ravisseurs lui demandent une forte somme d’argent ainsi que la cassette de l’enregistrement de la réunion ayant eu lieu en 1986 entre les représentants des gouvernements espagnol et français.

Toute l’histoire est centrée sur le fantôme de Federico Garcia Lorca. D’ailleurs cette fiction ( ?) débute par l’assassinat, le 17 aout 1936, à Viznar près de Grenade du poète Federico Garcia Lorca par des franquistes, assassinat supervisé par un mystérieux militaire surnommé El Capitan qui se déplace à moto.

La collusion entre les états espagnols et français vis-à-vis de l’ETA et du GAL est décrite historiquement et des personnages d’état de l’époque apparaissent afin de crédibiliser une histoire qui n’est pas si fictionnesque qu’il en parait. La démocratie s’arrête là où commence l’intérêt supérieur de l’état, était la devise d’un ministre de l’Intérieur, que les lecteurs n’auront aucun mal à reconnaître. Un ministre dont l’accent est un mélange de Raimu et de Fernandel, accent qui avait fait rire les fonctionnaires lors de son investiture Place Beauvau, fonctionnaires qui avaient déchanté lorsqu’il avait fait appliquer la loi Sécurité et Liberté.

Gilles Vincent entrouvre les rideaux sur des scènes de la vie politique, sur des magouilles gouvernementales, sur les exactions fomentées par des groupuscules cautionnés et mis en place par le gouvernement espagnol, et ce que le lecteur peut apercevoir n’est pas joli-joli. Je me répète, fiction, oui, mais élaborée à base d’une solide connaissance des arcanes d’une guerre des tranchées pour réduire au maximum les aspirations des Basques. Si ceux-ci ont été amenés à perpétrer des attentats, des crimes envers les forces de l’ordre espagnoles, il faut avouer qu’ils ont été encouragés par les débordements du GAL.

Seul petit reproche à Gilles Vincent, cette propension, non pas à ce que ses personnages fument, après tout ils font ce qu’ils veulent, mais la répétition de : il (ou elle) sortit son paquet, fit claquer, ou craquer, son briquet, et alluma une clope, peut passer une deux fois mais que cela se reproduise au moins une vingtaine de fois dans le cours du récit devient fastidieux. Pourquoi ne pas écrire tout simplement : il (ou elle) alluma une cigarette. Bon, ce n’était qu’un petit accès de mauvaise humeur, vous pouvez passer rapidement sur ce chapitre, quant à moi, je vais m’en allumer une.

 Paul (Les lectures de l'oncle Paul)

  lire du même auteur : Parjures.

 
Beso de la muerte.
Gilles VINCENT
Jigal Polar. Editions Jigal.
248 pages. 18€.