11/03/2013
Ne lâche pas ma main, de Michel Bussi
Une chronique de Paul.
... Et ne me lâche pas des yeux !
L’île de la Réunion, l’ancienne appellation de l’île Bourbon, qui a servi de décor au roman Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre. Et qui aujourd’hui justifie plus ou moins son nouveau nom, attribué quand même depuis 1793, ses habitants, les Zoreilles, les Zarabes, les Câfres et les Malbar, cohabitant en plus ou moins bonne intelligence.
Dans ce décor de rêve, vanté par les guides touristiques, la petite famille Bellion passe quelques jours de vacances. Liane, la jeune mère, Martial le père et Sopha, pour Josapha, la gamine âgée de six ans. Liane est belle et attire insensiblement les regards, surtout de leur voisin Jacques. La question n’est pas là mais dans ce qui va suivre.
Vendredi 26 mars 2013.
15h01.
Liane sort de la piscine de l’hôtel et annonce qu’elle s’absente une seconde dans sa chambre.
16h02.
Liane n’est pas revenue et Martial s’inquiète. Il demande à Naivo, l’un des employés de l’hôtel, de lui ouvrir la porte car c’est sa femme qui a la clé. Il n’y a personne dans la chambre, ni dans la salle de bain. Mais tout a été bouleversé, les vêtements de Liane ont disparu, et des traces rouges suspectes sont disséminées un peu partout. Martial entonne une litanie. Je ne comprends pas, ma femme devrait être là… Alors il demande à Naivo d’appeler la police.
La capitaine Aja Purvi de la gendarmerie de Saint-Paul, seulement à quelques kilomètres de Saint-Gilles où s’est déroulée la mystérieuse disparition, est en charge de cette enquête. Et c’est bien parce que c’est un touriste qui est concerné, car s’il s’était agi d’un natif, nul doute que les langues auraient déblatéré ironiquement sur l’infortune du mari. Comme pour toute enquête qui se mène avec rigueur, Aja interroge le personnel hôtelier. Naivo, surnommé le Lémurien, confirme qu’il n’existe plus trace vestimentaire de Liane et que les taches suspectes ressemblent à de petites éclaboussures de sang. Eve-Marie, qui lavait le couloir menant aux chambres de l’étage apporte des précisions supplémentaires. Alors qu’elle tempêtait auprès des résidents qui risquaient de salir le plancher encore mouillé, elle confirme qu’elle n’a pas vu Liane ressortir. Par contre elle a croisé Martial environ un quart d’heure après que Liane se soit engouffrée dans la pièce. Celui-ci lui a emprunté un chariot servant à mettre le linge sale, il est entré dans la chambre puis en est ressorti quelques minutes après en poussant le dit chariot, et est parti par l’ascenseur jusqu’au sous-sol du parking.
Pour l’instant il ne s’agit que d’une disparition, et il faut attendre le relevé des analyses ADN du sang recueilli dans la chambre du drame, si drame il y a. Martial et Sopha passent la nuit dans une autre chambre, mais le jeune homme est emprunt au doute. Il pense, pense beaucoup. Rien ne se déroule comme prévu. Il n’aurait jamais dû remettre les pieds sur cette île. Et parfois il se souvient d’un gamin, Alex.
Samedi 30 mars 2013.
Aja est aidée par Christos, son adjoint qui est resté sous-lieutenant, un grade qui lui convient bien. Christos ne recherche pas la promotion, seulement les bras d’Imelda, une plantureuse femme affublée de quatre gamins, tous issus de pères différents. Christos habitait La Courneuve, il avait vingt-cinq ans, et lorsqu’on lui a offert une mutation il a signé aussitôt, sans réfléchir. Saint-Denis. Une aubaine. Sauf que ce n’était pas le Saint-Denis auquel il pensait. Ce n’était plus à quinze kilomètres de chez lui, mais aux antipodes. Et depuis trente ans il vit sur l’île. En perquisitionnant la chambre fatale, il trouve un kit de barbecue, avec tous les éléments indispensables pour préparer à manger. Sauf qu’il manque un ustensile, le couteau.
15h13.
Martial revient sur ses déclarations de la veille. Il reconnait avoir emprunté le chariot, mais juste pour se débarrasser des vêtements de Liane. Un des policiers doit lui faire une prise de sang afin de comparer avec les résultats de l’analyse ADN des traces de sang retrouvées dans la chambre. Martial porte une estafilade sous les aisselles.
Dimanche 31 mars 2013.
12h05.
Un cadavre est découvert sur la plage de Saint-Gilles. Déjà à moitié mangé par les crabes qui pullulent sur le sable et entre les rochers. Toutefois Christos n’a aucun mal à reconnaitre Rodin, dit le Philosophe, qui passait son temps à observer les vagues. Planté dans le cœur un couteau. Celui provenant de la mallette appartenant à Martial.
16h03.
Les empreintes sur le couteau ont permis d’identifier son propriétaire. Martial. Alors que la fourgonnette de la gendarmerie arrive sur le parking de l’hôtel, Martial s’enfuit avec sa gamine.
Débute alors une chasse à l’homme. Sopha réclame sa maman, Martial essaie de la convaincre qu’ils vont la rejoindre. Sopha rechigne mais suit quand même son père qui sait où il va. Du moins il le croit. Il tente de divertir Sopha, de la rassurer.
Dans cette course poursuite effrénée, le lecteur navigue entre les recherches d’Aja et de Christos, et suit en même temps le parcours de Martial qui console comme il peut Sopha. Et presque jusqu’au bout de l’intrigue le lecteur est partagé entre deux sentiments contraires. Martial est-il coupable ou non ? Car Michel Bussi ne délivre qu’au compte-gouttes les éléments indispensables pour se faire une opinion, et même lorsqu’il le fait, c’est insidieusement, pour mieux embrouiller son lecteur.
C’est comme un écran de fumée au travers duquel on assiste à cette course poursuite, d’abord des silhouettes, puis peu à peu les fumerolles s’évanouissent pour laisser entrevoir une solution, mais Michel Bussi possède d’autres éléments qu’il délivre peu à peu pour que tout enfin prenne consistance.
S’il fallait comparer Michel Bussi à un ouvrier du bois, normal puisque le papier est fabriqué à partir de cette matière, il ne faudrait pas lorgner du côté d’une marque de meubles suédois, tout en préfabriqué, uniforme, sans âme, ni même d’un artisan menuisier qui scie, rabote, assemble à façon, mais auprès d’un ébéniste qui édifie avec amour et patience un meuble unique enson genre, comportant de multiples tiroirs à secrets, qu’il entrouvre d’une pichenette. Michel Bussi cisèle, peaufine, et une fois entièrement terminé, ce meuble s’expose comme une œuvre d’art.
Paul (Les lectures de l'oncle Paul)
Un avion sans elle, son précédent roman vient d'être réédité aux éditions Pocket.
Et vous pouvez retrouver l'auteur sur son site : ici
Ne lâche pas ma main.
Michel BUSSI
Editions Presses de la Cité.
380 pages. 21€.
17:44 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |