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18/11/2012

41, de Rogelio Guedea

41.jpgUne chronique d'Albertine.

Drôle de titre, drôle de récit.

41 est un calibre. C'est le calibre de l'arme qui a abattu des homosexuels par ailleurs émasculés. C'est aussi l'âge du meurtrier lorsqu'il est arrêté.

Le récit devrait être celui de l'enquête sur ces meurtres. On devrait avoir une équipe de policiers qui enquêtent, qui analysent les indices, qui interrogent les témoins plus ou moins proches. Là, on a des enquêteurs vaguement mis en scène au regard de leur activité de basses oeuvres, et des procèsverbaux d'audition de témoins, ainsi que des listes de pièces annexes. En alternance, se déroule le récit de la vie d'un enfant de douze ans dit « le Japonais », qui vit normalement une vie dépravée : parents drogués, mère matricide ouvrant son sexe au tout venant, relation incestueuse avec sa soeur, violence à la maison garantie, apprivoisement ou séduction de l'enfant par un prédateur qui le livre aux fantasmes sexuels de quelques dégénérés.

Le lien entre l'enquête et l'enfant n'apparaîtra que tardivement, et la résolution de l'enquête est le fruit hasardeux d'une bagarre qui a mal tourné. L'intérêt de ce roman n'est pas, de toute évidence, dans la recherche de la vérité, ni même dans l'aboutissement d'une enquête qui triomphera des obstacles. Il est sans doute dans la froide et pâle réalité, celle qui ne laisse place qu'à l'inéluctable enchainement des conditionnements socio-politiques. La politique est présente en filigrane. L'homosexuel assassiné est le frère d'un candidat aux élections, le meurtre a donc sans doute bien un sens, une raison politique. « ils savent (…) qu’ils tiennent par les couilles l'assassin du frère de leur candidat, mais ils ne savent pas si quelqu'un se cache derrière ou pas. Et ils ne savent pas, il faut bien le dire, s'ils le sauront un jour. » Tels sont les derniers mots du roman.

Et qu'en est-il de l'écriture ? Là encore, pas de demi-mesure, l'écriture a la saveur acide et l'odeur épaisse des poubelles dans lesquelles vit le jeune Japonais, la couleur des vicissitudes d'une famille livrée au sexe et à la violence ; ainsi, la mère du Japonais, « La Donà est un paquet de viscères en colère. Enragés. Le japonais lève la tête pour regarder sa soeur qui est dans la chaise roulante, la tête pendante. Elle bave. Elle n'a plus que la peau sur les os mais elle ne crève pas. Pourquoi elle crève pas, putain ? Pourquoi sa respiration nasillarde rebondit encore sur les quatre murs de cette maison, putain ? ». Et si le lecteur ne s'est jamais shooté, il aura une idée du délire que lui octroiera l'usage de la drogue : « le Japonais est toujours aussi barré. Sa tête de vache est une toupie qui tourne tout autour de la table. Et en tournant, elle découvre les parties du corps trituré du Métallo. Un : elle voit une main qui lui fait au-revoir du haut d'un manège. Deux : elle voit une jambe qui donne un coup de pied dans un ballon de foot. Trois : elle regarde la langue du Métallo en train de lécher la chatte d'une noire. Quatre : elle voit l'oreille qui écoute une chanson des Bukis en concert à Ciudad Juarez. Cinq : elle regarde la grosse queue du Métallo assis sur le canapé en train de lire le journal. »

Pour le reste, il s'agit du style des procès-verbaux de la police, dont il vaut mieux faire

l'économie ....

Alors ? La misère c'est d'abord celle de l'enfance qui n'a plus de temps pour se poser et apprendre la tendresse. Le livre fermé, il ne reste pas d'espoir, les destins des petits sont définitivement écrits, ceux des puissants aussi. C'est ce qu'on appelle un roman noir.

Albertine, 15 novembre 2012

  

41
 Rogelio Guedea
Editions Ombres noires (24 octobre 2012)
250 pages ; 18,90 €