30/12/2015
Pluie des ombres, de Daniel Quirós (chronique 2)
Pour celles et ceux qui aiment les oranges …
[...] C’est ça, mon travail, Carlos : me mettre dans les embrouilles.
Après la déferlante scandinave, il semble bien que c'est désormais au tour de l’Amérique du Sud d'envahir notre rayon polars.
Le Chili nous a déjà donné deux coups de cœur avec Ramón Díaz-Eterovic et Boris Quercia.
Coup de cœur (ou coup de poing, plutôt !) également au Brésil avec Edyr Augusto.
Nous sommes même allés en Argentine avec Ernesto Mallo.
Mais on n'aurait pas imaginé faire un tour au Costa-Rica, du moins pas en classe polar.
Suivez le guide, il s'appelle Daniel Quirós.
Quirós est un costaricien, un Tico, qui enseigne l'espagnol aux États-Unis.
Poursuivons encore un peu la leçon de géographie parce que cette Pluie des ombres est sans doute le polar-découverte le plus réussi qu'on ait lu récemment. Le mélange entre intrigue, personnages et 'visite géo-culturelle' est habilement dosé et le guide touristique ne se fait jamais pesant, sans doute grâce aux personnages qui occupent le premier plan.
« [...] La récolte était saisonnière – étalée entre les mois de novembre et de juin – et de nombreux travailleurs descendaient du Nicaragua pendant cette période pour aider à la cueillette. L’exportation du jus de fruit qui en était tiré créait à son tour 8 000 emplois et rapportait par ailleurs une bonne soixantaine de millions de dollars au pays. »
Le dépaysement est total et Daniel Quirós nous fait découvrir, sans en avoir l'air, de nombreuses facettes de son pays natal : spéculation immobilière(1), passé révolutionnaire, culture fruitière (oranges, ...), blanchiment d'argent et forte immigration des voisins Nicaraguayens, les Nicas.
« [...] L’endroit s’appelle Infinite Dreams, comme ça, en anglais, au cas où on n’aurait pas compris à quel genre de clientèle il était réservé. C’est un complexe immense : résidences de luxe, hôtel, terrain de golf.
[...] Ma foi, ça m’a tout l’air du classique blanchiment d’argent, ou de légitimation de capitaux, pour employer l’expression à la mode en ce moment. »
Ce polar s'ouvre justement sur le cadavre de l'un de ces Nicas, retrouvé le ventre ouvert, bourré de came. Voilà qui sent la mise en scène destinée à permettre aux rares effectifs de la police de classer rapidement une affaire malheureuse de plus.
« [...] On lui a arraché les yeux et il présente un nombre considérable de blessures », aurait témoigné l’officier de police chargé du constat.
[...] Vous savez comment c’est. Ici, la mort d’un Nica n’émeut pas grand monde. Ils pensent que c’est lié à la drogue.
[...] Les routes invisibles continuaient vers le Guatemala, le Mexique ou le fameux Nord, le plus grand marché de drogue du monde. »
C'est sans compter sur Don Chepe, ancien guerillero, à demi supplétif des forces de police, à demi électron libre : Don Chepe connaissait la famille de la victime et entend bien retrouver les coupables ...
« [...] Soyez prudent aussi, don Chepe. N’allez pas vous mettre dans des embrouilles.
— C’est ça, mon travail, Carlos : me mettre dans les embrouilles. »
Son enquête nous baladera à travers toute la province (le Guanacaste, la péninsule du nord-ouest) et à travers diverses couches de la société costaricienne.
Daniel Quirós prend son temps pour peindre ses portraits : ceux de ses personnages, attachants, comme ceux de son pays, bien au-delà de la carte postale habituelle.
« [...] Il pleut et je n’arrive pas à dormir. C’est une malédiction pour moi que cette saison. Les pluies commencent et avec elles augmentent mes insomnies. Les gouttes tombent sur les plaques de zinc. »
Bruno ( BRM) : les coups de Coeur de MAM et BMR
10:26 Publié dans 04. autres polars | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pluie des ombres, daniel quiros | Facebook | |