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02/01/2014

L’Ecorchée, de Donato Carrisi

ecorchee.jpgUne chronique de Teluber

J’avais apprécié le premier roman de Donato Carrisi. Dans Le Chuchoteur, l’auteur nous emmenait sur les traces d’un tueur manipulateur en compagnie d’une policière privée de toute capacité d’empathie, forcée d’entailler sa chair pour se sentir vivante.

Cet hiver, Carrisi remet le couvert avec la publication en français de son troisième opus, L’Ecorchée. On y retrouve l’agent Mila Vasquez, plus torturée que jamais, traumatisée par l’affaire du Chuchoteur survenue sept ans auparavant.

Cette fois, l’agent Vasquez traîne son mal-être dans les Limbes, surnom donné au service des personnes disparues. Elle y emploie des méthodes peu orthodoxes et néanmoins couronnées d’un certain succès. Vasquez, qui pensait avoir échappé au sang et à la violence en se concentrant sur les disparus, en sera pour ses frais lorsque des personnes volatilisées depuis des années reviendront … pour tuer.

Dans cette suite au Chuchoteur, Carrisi place la tension psychologique à un niveau supérieur. Certes, on n’évite pas quelques poncifs. Le flic chargé de la protection des témoins qui tombe amoureux de sa protégée – et inévitablement, la perd. Le même flic, passé maître dans l’art de l’interrogatoire qui, sans en avoir l’air, extorque du suspect l’élément clef de l’affaire. On pardonnera à l’auteur ces quelques facilités dans l’intrigue, parce que le tout s’enchaîne avec une belle fluidité jusqu’à la fin du roman, tout simplement magistrale.

Si certains thrillers se donnent l’air intelligent, celui-ci l’est réellement. Des notions à la portée universelle y sont abordées : la douleur, l’empathie ; ce à quoi se mesurent une vie réussie et une vie gâchée ; le bien et le mal, surtout, et la façon dont les deux absolus s’entremêlent, jusqu’à se fondre en un brouillard si dense qu’il est impossible de s’y risquer sans s’y perdre. Car les personnages de L’Ecorchée ne sont dépeints qu’en demi-teinte. On n’y trouvera aucun manichéisme, aucun chevalier blanc, aucun monstrueux prédateur. Ici, les flics font preuve de duplicité. Ils trompent, ils mentent, dissimulent des informations. Ils sont corrompus et faibles. Les coupables sont faibles, eux aussi. Eux aussi ont souffert, eux aussi ont essayé de jouer en respectant les règles du jeu. Pour un peu, certains auraient presque une bonne raison de faire ce qu’ils font. En somme, Carrisi nous force à éprouver pour ses personnages l’empathie dont l’agent Vasquez est désespérément dénuée.

Mais surtout, surtout : on ne lit pas un thriller pour les thèmes philosophiques qu’il développe. On le lit parce qu’on aime jouer à se faire peur. Pour ce qui me concerne, j’ai refermé mon livre à une heure du matin. A peine endormi, les démons de L’Ecorchée sont sortis du papier pour parasiter mon sommeil, réveiller des peurs archaïques, comme le monstre tapi sous le lit qu’on s’imagine quand on est enfant. Je me suis réveillé en sueur et en panique, me demandant pendant quelques secondes si j’étais réellement réveillé ou toujours dans mon cauchemar. Je n’ai pas pu m’empêcher de vérifier que toutes les portes de la maison étaient fermées. Après cela, j’ai mis trois bonnes heures à retrouver le sommeil. En matière de thriller, voilà ce que j’appelle un gage de qualité. Vivement la suite.

Teluber

 

L’écorchée
Donato Carrisi
Calmann-Lévy
Collection suspense
432 pages ; 21,90 €