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29/05/2013

Shutter Island, de Dennis Lehanne

shutter_island.jpgUne chronique de Liliba.

 Ce roman est étrange ! À peine l’a-t-on terminé qu’on a envie de tout reprendre depuis le début, pour ne pas rater les détails, les indices, pour voir l'histoire sous un jour nouveau ! Et pourtant j’avais vu le film à sa sortie au cinéma et donc je savais à peu près de quoi il retournait. À peu près seulement, car si j’avais adoré Shutter Island en film (malgré l’acteur principal que je n’apprécie pas du tout, mais qui pour une fois était vraiment bien dans son rôle), j’avoue ne pas avoir compris grand-chose et être ressortie avec une impression depas fini, et un énorme mal à l’aise.

Mal à l’aise ressenti également en lisant le roman, alors que là aussi, j’ai énormément aimé ! Contradictoire ? Non, je m’explique, et ceux et celles qui l’ont déjà lu comprendront sans peine. Posons donc le décor. Une île. Inhospitalière à souhait, sauvage et quasi inhabitée. Mais pas totalement, car elle abrite une vieille citadelle et un phare encore plus vieux. Et aussi un hôpital psychiatrique réservé à des hommes et des femmes qui ont tous commis des meurtres atroces et qui sont particulièrement dangereux, qu’on maintient sous les verrous avec force surveillance, de vrais malades mentaux (ou personnes ayant été cataloguées comme malades mentales…).

Le Marshall Teddy Daniels débarque un jour de septembre 1954 sur cette île, appelé à la suite de l’évasion d’une pensionnaire, Rachel Solando, jeune femme internée depuis plusieurs années et vivant dans le déni total alors qu’elle a assassiné ses trois enfants. Il semble qu’elle se soit littéralement volatilisée, ou bien qu’elle ait bénéficié de complices au sein même du personnel médical ou parmi les surveillants. Teddy a l’impression qu’on ne lui dit pas tout, et avec l’aide de son nouveau coéquipier Chuck Aule, il va tenter de percer les mystères de cette ile malsaine et de déjouer la surveillance des médecins et des gardes qui semblent toujours croiser son chemin. Comment Rachel a-t-elle pu sortir d'une cellule fermée à clé de l'extérieur ? On a retrouvé un indice dans sa chambre (sa cellule, plutôt), une feuille de papier sur laquelle est inscrit un code fait de chiffres et de lettres. Le Marshall a travaillé dans les transmissions pendant la guerre et se fait fort de découvrir le secret de ce code.

Est-ce l’atmosphère de l’ile, la tornade terrible qui s’y abat et ravage tout sur son passage, cette évasion étrange ou le fait qu’on retrouve finalement la femme aussi soudainement qu’elle avait disparu, toujours est-il que Teddy se sent mal, oppressé, angoissé et que de terribles migraines l’assaillent, le laissant épuisé et quasi comateux et l’entrainant dans des cauchemars terribles qui l’anéantissent et le perturbent au plus haut point, car ils lui remémorent sa défunte femme, pourtant décédée depuis plusieurs années, mais qu’il ne peut oublier, et à qui il pense à chaque instant de sa vie. Et le lecteur aussi ressent cette angoisse latente, cette menace qui rode sur l’ile, ou autour du phare. D’ailleurs, que se passe-t-il vraiment, dans ce phare ? Pourquoi est-il si bien gardé ? Est-il possible qu’on y réalise des essais cliniques, des expériences sur les patients ? Car cet hôpital est considéré comme expérimental et adopte des pratiques parallèles pour tenter de soigner ses patients, ou tout du moins de réduire leur mal-être, leur folie.

Du fait de la tempête, il est impossible de quitter l’île, mais de plus en plus, Teddy sent le danger se rapprocher, il a l’impression d’être manipulé, une petite marionnette téléguidée par les médecins, les infirmiers, car tous semblent complices dans cette histoire. Lui aurait-on injecté un quelconque médicament ? À moins qu’il ne se soit caché dans les cachets qu’on lui a donnés contre ses migraines ? Ou dans les cigarettes du coin, qui ont vraiment un drôle de goût ? Jamais cet homme n’a eu aussi peur de sa vie, alors qu’il a pourtant affronté la guerre, une guerre terrible où il a tué, beaucoup tué, et où il a découvert l’horreur des camps nazis. Comme si cette île maudite le rapprochait de ses fantômes personnels, de ses failles, de ses peurs… Il sent qu’il lui faut quitter l’île, vite, par n’importe quel moyen.

Et c’est là que le lecteur se retrouvera abasourdi par le talent de l’auteur, qui l’a vraiment « trimballé », emmené où il voulait du début à la fin. Teddy n’est pas le seul dans cette histoire à se faire manipuler, mais nous, nous en sommes au final ravis, même si notre angoisse est montée de plusieurs crans pendant notre lecture ! Quel talent !

C’était mon premier Lehane, mais je compte bien continuer à lire cet auteur.

Liliba : les lectures de Lili...

Shutter Island
Dennis Lehane
Editions Rivages
Collection Rivages noir
392 pages; 8,14 €