25/03/2012
Le chasseur de lucioles, de Janis OTSIEMI
Une chronique de Cassiopée.
Qui lira ce polar découvrira la sombre Afrique....
L’Afrique, le Gabon, Libreville, ce n'est pas seulement le soleil, une certaine nonchalance parfois doublée de volupté, une vie avec ses hauts et ses bas, ses riches et ses pauvres...
Non, l'Afrique, ce n'est pas seulement cela...
Il y a à Libreville, des hommes corrompus jusqu'au cou, des tricheurs, des menteurs, des violents, des conflits d’intérêt, des pots de vin...
Bon, d'accord mais dans d'autres pays aussi, alors à quoi bon lire ce roman ?
D'abord pour le style de l'auteur, langage imagé, proverbes (typiquement africains) jetés de ci, de là (et surtout en début de chapitre) : « Deux villages n’ont pas une fontaine commune », ironie mordante empêchant le lecteur de s’arrêter sur les scènes un peu plus difficiles. Il faut d’ailleurs remarquer que l’auteur ne s’appesantit aucunement dans les détails, ne donnant pas dans le « gore ». Il plante le décor, décrit les faits sans en rajouter. Son écriture est incisive, précise mais tempérée de pointes d’humour de façon régulière.
Ensuite, pour l'envers du décor, les enquêtes conjointes servant de prétextes pour explorer au plus profond une partie de la population, ses douleurs, ses faiblesses, ses problèmes, ses angoisses, ses peurs face au chômage, découvrant ainsi les ethnies qui se côtoient parfois avec difficulté, les personnes dont on ne sait pas si on peut leur faire confiance, leur donner plus parce qu’elles sont en situation irrégulière ou parce que leur comportement ne semble pas « clair » …. . Le tout dans une ambiance chaude, sableuse, poussiéreuse, aride, sèche … A tel point qu’on en vient à se demander si les faits ne pourraient pas être différents si l’air était moins lourd, si une légère brise soufflait … On dirait presque que la chaleur accentue le mal-être, étouffant toute possibilité de prendre du recul ….
Tout n'est pas rose (sans jeu de mot ;-) mais très sombre.
Chômage, corruption, propagation du SIDA, vivre sans papiers sont le lot quotidien de beaucoup plus de personnes qu'on ne l'imagine dans cette ville.
Quelquefois, il est plus facile de gagner l'équivalent de plusieurs mois de salaire avec un tout petit trafic qui ne fera pas forcément de vous un gros délinquant qu’en cherchant en vain une activité rémunérée… Comment résister à l’appât du gain ? Comment rester intègre ? La frontière est parfois bien mince...
Dès le début « on sait » (même pas besoin de lire les dernières pages) : un homme tue...Qu'est ce qui pousse un individu à basculer du jour au lendemain dans la sauvagerie, l'horreur et la barbarie ? Se dire que l'on n'a plus rien à perdre suffit-il à justifier l'inconcevable ?
J'aurais souhaité que les raisons qui ont poussé Georges à « passer de l'autre côté de la barrière » soient développées un peu plus même si on peut mettre ses actions sur le compte d’une certaine impulsivité accompagnée de colère.
Les personnages esquissés assez rapidement sont intéressants dans l’ensemble.
Georges qui aime la mer, aurait pu être attachant s’il n’avait pas commis l’irréparable. Les différents enquêteurs ont le mérite de vouloir comprendre, souhaiter aller plus loin que la simple découverte des fautifs. Ils essaient de comprendre les motivations pour mieux cerner les individus et de ce fait les arrêter.
Les dialogues sont vifs, alertes, écrits avec la « langue de là bas » ce qui nécessite de temps à autre une traduction en bas de page.
Une bonne lecture, un auteur qui se démarque par son style donc une excellente découverte.
Qui fermera ce polar aura un auteur de plus à mettre sur ses listes …
Cassiopée
A lire : une autre chronique sur ce roman, celle de Christine.
Le chasseur de lucioles
Janis OTSIEMI
Editions Jigal (Polar)
(et quelle très jolie première de couverture!!)
204 pages ; 16 euros
Présentation de l'éditeur
À Libreville, une prostituée est découverte sauvagement assassinée dans un motel de la périphérie. Les agents de la PJ - de fidèles abonnés des bordels de la capitale - pensent tout d'abord à un crime de rôdeur... Quand une seconde fille est retrouvée égorgée dans un autre hôtel du quartier, les policiers sont encore loin d'imaginer qu'ils ont affaire à un client bien décidé à nettoyer la ville de toutes ses lucioles... Celui qui te veut du mal la nuit a commencé à t'en vouloir le jour. C'est dans ce climat de psychose générale que les gendarmes de la DGR enquêtent de leur côté sur le braquage d'un fourgon de la Société Gabonaise de Sécurité dont le butin de plusieurs millions de francs CFA attise bien des appétits...
08:05 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : libreville, otsiemi, lucioles, prostituée, gabon, sida, horreur, polar, africain | Facebook | |