05/07/2011
Des nouvelles du Québec et de la France
Une chronique de Richard
Aimez-vous les nouvelles ?
Les bonnes nouvelles ?
Et bien, en voici deux ...
Pour une première fois, je vais vous parler de deux livres à la fois ... dans une chronique très mathématique : deux livres, une trentaine de nouvelles, trois auteurs, deux Québécois et un Français mais surtout, un bon nombre d’heures de plaisirs de lecture.
Et les similitudes entre les trois auteurs sont tellement évidentes, les réactions suscitées par leurs écrits sont tellement semblables, que d’écrire qu’une chronique pour ces deux livres et ces trois auteurs, pourrait sembler réducteur mais voyons le comme un hommage en bouquet à leur talent d’auteurs, de nouvellistes, de magiciens des mots et de conteurs.
Dès que nous touchons les deux petits recueils «Tab ‘arnaques» et «L’ironie du short» , nous ne pouvons plus les mettre de côté. Comme j’ai lu les deux livres en même temps, c’est comme si je me retrouvais devant un bol de noix d’acajou salées et d’un plat de croustilles juste assez épicées. Pigeant dans l’un, grappillant dans l’autre, me laissant tenter deux fois par le même plat ou alternant avec de grosses bouchées, pleines de sourires et de surprises. Et en plus, quand vous aurez terminé, vous regarderez les deux plats, vides, quelques miettes au fond, et vous vous demanderez quand vous pourrez renouveler «cette orgie littéraire».
Oui oui, orgie littéraire. De mots ! De phrases tellement bien tournées pour nous faire une entourloupette ! Des idées qui nous font sourire et parfois même, éclater de rire ! Et surtout, le style jubilatoire de ces trois jongleurs humoristiques des mots. N’ayez crainte, vous serez charmés par l’humour festif et parfois incisif, tout en étant emporté par le récit qui n’a qu’un seul but ... vous divertir.
L’humour de ces trois auteurs, leur capacité à tourner une histoire sur un «dix cennes» et à vous surprendre au détour d’une phrase, leur habileté à vous mettre «dans le bain» en peu de mots et à vous éclabousser de bulles de savon et de vous monter un bateau littéraire, tous ces éléments font de la lecture des nouvelles d’André Marois, de Max Obione et de Luc Baranger, une série de petits plaisirs exponentiels.
«L’ironie du short» nous présente une série de personnages tout aussi bizarres que leur propre histoire. Venez donc à la rencontre de Marcel Bovary (!), chasseur de femelles, Walt Disney pris avec onze nains, un adolescent et son couteau de boucher, un drôle de couple en voyage de noces, un auteur de nouvelles qui se fait interpeller par un lecteur et aussi, un policier lecteur qui rencontre un libraire bien efficace.
Dans «Tab’arnaques» vous retrouverez une déclinaison édifiante de l’arnaque, de l’intelligence de l’arnaqueur à la naïveté débonnaire du pigeon. Même la préface est une tromperie qui donne le ton au recueil; quelle idée de confier au pire arnaqueur québécois la rédaction de cette entrée en matière. Un Maître à l’oeuvre. Et de nouvelle en nouvelle, le lecteur rigole, en oubliant qu’un jour ou l’autre, peut-être que dans ce miroir humain, nous pourrions nous reconnaître comme acteur d’une de ces histoires. Et dans une finale explosive, orchestrée par les deux auteurs, ils présentent, à quatre mains, à deux claviers, une dernière nouvelle mettant en vedette un personnage sympathique, un «nègre», critique littéraire, avec un nom qui nous dit quelque chose ... !
Vous voulez savourer quelques noix ou quelques chips? Plongez votre main dans le plat et dégustez:
«Alors, elle fond la femme, - la phâmmmmmmme, coulée dans sa robe fourreau blanche, son dos dénudé jusqu’à la naissance de ses fesses, ces fesses, continent inconnu, immensément rondes comme une mappemonde» (M. O.)
«Le policier se trouvait justement devant une image de la jeune femme, torse nu, les seins défiant la quatrième loi de Newton. Son trouble devenait palpable.» ( A. M.)
«Aussi naïf qu’un Clinton qui ne sait où poser son cigare face à une Monica la culotte à la main, le parti démocrate avait tout misé sur Barack Hussein, un fringant étalon qui piaffait d’impatience de prendre le mors aux dents.» (L. B.)
Un hommage aux libraires que je dédie à celle qui partage ma passion du polar ...: « C’est un vrai libraire qui communique une envie de lire, un prosélyte de la littérature polardière en l’occurrence. Une espèce en voie de disparition ... qu’il faudra bien cloner un jour ou l’autre sous peine d’être amputé d’un plaisir de l’existence.» (M. O.)
«Si le crime ne paie plus, qui va régler l’addition ?» ( A. M.)
« À cinquante-six ans, avec ADN (sa femme, Andrée-Dominique Nadeau) qui le faisait marcher à la baguette et une vie orchestrée comme du papier à musique, Adrien Gagnon, malgré son nom, n’était qu’un looser qui faisait nettement plus boomer que baby.» (L. B.)
«Poulette, poulette, c’est vite dit. Sophia, c’est plutôt le genre mecquesse qui voit s’aligner les années avec l’effroi dans le dos, qui se badigeonne au plâtre parfumé pour ravaler la façade, qui s’envoie des gigolos pour ne pas perdre le mode d’emploi de sa libido, bref une chieuse mais bourrée de pognon, ce qui la rend intéressante, si l’on veut bien considérer le marasme qui s’empare des gars dans mon genre par ces temps de disette boursière. Et comme j’ai des besoins d’homme dédaigneux du travail mais soucieux de bien-être, j’ai succombé.» (M. O.)
«Si, au cours de ma longue carrière d’escroc, il m’est arrivé de goûter l’inconfort des culs de basse fosse, avant de me retirer à la manière d’un honorable rentier dans le quartier montréalais huppé de Westmount au début de l’ère Duplessis, j’ai surtout connu le luxe tapageur des grands hôtels de la planète, hum. les effluves bleutées des Montecristo roulés sur les cuisses dorées des Cubaines, arpenté les ponts des premières classes des transatlantiques, caressé le velouté des billets verts ou la soie des sous-vêtements de femmes du monde qui n’avaient pas froid aux yeux, ni ailleurs, sans oublier le cuir fauve des banquettes des Bugatti et autres Cadillac.» (L. B.)
«Étienne avait tout pour réussir dans la vie : une belle gueule, une bonne santé, une éducation postsecondaire et un déhanché aguicheur quand il dansait la samba.» ( A. M.)
Et juste pour me faire plaisir, un petit clin d’œil à un ami (gourou !!!): « La dernière fois qu’elle avait écarté les cuisses et tendu les fesses pour s’offrir aux virils coups de boutoir de Norbert Spinner, un collègue prof qui l’avait très momentanément choisie pour maîtresse d’école, Robert Bourassa présidait encore aux destinées du Québec. Ça ne datait pas d’hier. Depuis, Amélie ne succombait qu’à quelques rares moments d’égarement solitaire, conjuguant au passé antérieur le souvenir fantasmé de ses orgasmes de jeune fille avec le plaisir à portée de main. » ( A. M. et L. B.)
Bonne lecture !
Richard, Polar Noir et blanc : http://lecturederichard.over-blog.com/
Tab’arnaques
André Marois et Luc Baranger
Québec Amérique
2011
256 pages
http://www.quebec-amerique.com/livre-details.php?id=1226
L’ironie du short
Max Obione
Krakoen
2011
254 pages
http://www.krakoen.com/FicheLironiedushort.htm
13:53 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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