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09/04/2012

Les Anges de New York (chronique 4)

anges_de_newyork.jpgUne chronique de Bruno

Rentrer dans l’histoire des « anges de New York », le dernier roman de R.J. ELLORY c’est un peu comme si vous marchiez pied nus dans une pièce mal éclairée.

Que soudain vous compreniez que vous venez de mettre le pied dans quelque chose de froid de visqueux et d’épais.Que vous baissiez le regard et constatiez que vous êtes au milieu d’une marre de sang. Vous ne bougez plus et voyez ce sang imbiber progressivement votre jean. Vous vous imprégnez de lui, malgré vous.

La vie d’un inspecteur du NYPD c’est un peu ca aussi. Débuter avec son arme de service, son insigne et sa soif de justice, son souci d’aider ses concitoyens et les protéger. Et se confronter à la vie.A cette réalité parfois terriblement plus violente que toutes les fictions imaginées par la littérature ou le cinéma.Et ne plus être le même.

Une plongée dans le morbide, le noir absolu, une descente dans l’abime de l’humanité qui progressivement, à son contact, va imprégner sa vie professionnelle, puis contaminer insidieusement sa vie personnelle jusqu’à la disloquer. Un poison qui le ronge de l’intérieur et l’éloigne du commun des mortels qui lui n’a pas vu, ne sait pas.

Frank Parish est de ces hommes qui ont vu l’immonde. De ce, dont le regard s’est vidé progressivement des couleurs du monde pour ne voir que la noirceur d’une société dans laquelle il patauge. De ces flics qui voient un jeune égorger sa petite amie dans une baignoire avant de se couper lui-même la carotide, et qui doivent continuer à donner le change auprès des leurs et garder un sens à leur boulot. Et vivre avec des ombres…

« les ombres ne sont que des ombres, elles ne peuvent pas nous faire de mal tant qu’on ne les prend pas pour autre chose. Mais quand on commence à le faire…eh bien, on finit par leur donner des dents et des griffes, et alors elles finissent par nous avoir… »

Mais Frank Parish, vit aussi avec un fantôme. Celui de son père. Un illustre policier abattu en pleine rue seize ans plus tôt. Une de ces figures qui ont construit la légende du NYPD , « un ange de New York » comme avait été surnommés les membres de l’équipe qui avait participer à libérer la ville de l’emprise de la mafia dans les années 80. Un homme respecté dont le souvenir perdure dans la mémoire collective de la police new yorkaise.

Sauf que Frank lui, déteste ce père dont la mort fut une délivrance. Car il sait mieux que personne qu’il n’était pas celui qu'il prétendait être, que son père s’était vendu à la mafia, qu’il avait du sang sur les mains et qu’il avait foulé au pied son honneur de policier.

Difficile pour lui alors de vivre avec ce poids qui coule son présent dans le béton du passé, et avec la réalité d’une vie où sa femme a divorcé, ses enfants s’éloignent de lui , à moins que ce ne soit l’inverse, où son coéquipier vient de se faire tuer lors d’une intervention.Une vie qui ne lui offre plus qu’un futur sans avenir.

Frank Parish est au bord de la rupture. Sa hiérarchie l’a dans le collimateur. Au point que son permis lui a été retiré, que son salaire est amputé, et qu’on l’oblige à voir une psy qu’il consulte quasiment tous les jours. Mais son seul réconfort, c’est auprès d’Eve qu’il le trouve. Une escort-girl qui le recueille quand les choses deviennent trop dures. Et quand il ne peut la voir, c’est la bouteille qui lui tient lieu de compagne d’infortune.

Il ne lui reste que son boulot, comme un point de fixation, un repère dans une vie à la dérive.

Avec Redick, son nouveau coéquipier, ils enquêtent sur des affaires banales. Un dealer assassiné en pleine rue, un type projeté sous les roues d’un métro, une jeune fille de 16 ans retrouvée morte sur le lit de son frère, étranglée.

Pourtant cette dernière affaire va retenir l’attention de Frank. Et quand le corps d’une seconde adolescente est retrouvé, celui-ci est persuadé d’avoir affaire à un tueur en série qui assouvie ses pulsions sexuelles avec de très jeunes filles avant de les assassiner.

Cette enquête va devenir une véritable obsession pour Frank, et va le conduire une nouvelle fois dans les abysses de la perversité humaine. Mais à danser sur le fil du rasoir il arrive parfois que l’on perde le sens des réalités.

Il était temps que je découvre enfin l’œuvre de Roger Jon ELLORY, pour lequel je ne cesse d’entendre des louanges. Si j’ai ses précédents romans dans ma bibliothèque, si j’avais eu la chance de le rencontrer l’année dernière à Quai du polar à Lyon , je n’avais pas encore franchi la porte de son univers.

C’est chose faite aujourd’hui et je dois dire que j’ai été particulièrement emballé par ce roman. Certe quelques passages un peu longs en seconde moitié de roman, mais pas de quoi altérer l’impression générale sur le livre.

Ellory a indéniablement le sens de l’écriture et de la narration. Son style est particulièrement fluide et nous offre une histoire captivante. Certains diront peut être que ce livre est de facture classique. Mais c’est justement ce genre de roman, parfaitement maîtrisé, écrit dans les règles de l’art que l’on aussi envie de lire !

 « Les anges de New York » est un livre sans concession, brutal, et la première scène du livre restera sans doute dans les annales du genre par sa violence.

 C’est un hymne formidable à cette ville de New York qui fascine tant à travers le monde, qui porte en elle les rêves et les cauchemars d’une société prise de tournis.

Mais au delà de l’histoire qui est narrée, c’est aussi le portrait de ce flic désabusé, de cet homme qui n’arrive plus à communiquer avec les autres, qui donne à ce roman une dimension particulière.

Un homme pour qui tout s’écroule mais qui reste droit, et qui se bat pour découvrir une vérité, avant que le temps n’efface l’existence des victimes les plus faibles, de celles qu’on oublie si facilement. Un homme qui ne veut pas qu’on l’oublie non plus et qui veut rester parmi les vivants, parmi les hommes et qui pour se faire devra accepter de poser un jour son fardeau et d'en faire l'inventaire.

Un roman rude, efficace, où la profondeur des personnages donne à ce roman sa puissance et son âme. Un roman dont il serait dommage de passer à coté.

Bruno,  ( Passion-polar )
 

Nous avons publié trois autres chroniques sur ce roman :
- celle de Catherine/Velda
- celle de Jacques
- celle de Cassiopée

 

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