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15/05/2012

Entretien avec Philippe Nicholson.

philippe_nicholson.jpgVoici l'entretien que Philippe Nicholson, l'auteur de l'excellent trhrille d'anticipation SERENITAS, a bien voulu m'accorder pour un polar-collectif.

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Jacques.    Philippe Nicholson, qui êtes-vous?

Philippe Nicholson. J’ai trente-huit ans. Je suis né en Ecosse ; j’ai vécu à Londres et au Canada puis mes parents sont venus s’installer à Paris. Ils avaient le goût du changement, je l’ai gardé. Après des études de finance, j’ai été journaliste économique à Paris, équipier sur des voiliers en Atlantique ; j’ai vendu des antiquités, vécu sur le port de l’Estaque à Marseille, créé une agence de communication puis conseillé des entreprises lors d’opérations financières pour le compte d’Havas. 

 J.   Vous avez été journaliste, puis vous avez créé une société de communication. Envisagez-vous de devenir un professionnel de l’écriture et de vous y consacrer entièrement ? Plus précisément, quelle place occupe l’écriture dans votre vie, aujourd’hui ?

P.N. J’ai toujours voulu vivre de l’écriture, oui. C’est un fil rouge. L’écrit a toujours fait partie de ma vie : j’ai été un lecteur vorace, j’ai travaillé dans des métiers en rapport avec l’écrit, j’aime les livres, leur odeur, les pages annotées, les personnages, les auteurs. Je suis un lecteur éclectique de polars, science-fiction, thriller, Dostoïevski, Blondin, Palahniuk, Zola, Harrison…

 J.   Dans votre dernier roman, SERENITAS, vous arrivez à lier avec beaucoup d’habileté un  thriller  haletant avec une critique « en creux » de notre époque, puisqu’en partant de l’observation de la  société contemporaine, vous révélez au lecteur un proche futur  possible, pas forcément réjouissant, d’ailleurs.  Pourquoi ce choix ?

P.N. Ce n’est pas un choix, ce monde s’est imposé de lui-même. J’ai réécrit ce roman trois fois et peu à peu, cet univers, qui n’était qu’un théâtre dans lequel devait se jouer l’intrigue, est devenu prédominant. J’ai commencé à l’aimer, à l’explorer. Je l’ai trouvé glaçant et en même temps terriblement possible. J’ai l’impression d’avoir fait un travail de journaliste plus que de romancier.

  J.  On devine à la lecture que l’avenir que vous nous présentez est proche, cependant vous ne mettez pas de date. Pourquoi ce choix ?  

P.N. C’est vrai. Dans le livre, on apprend que le monde a vécu une « grande crise » qui a ébranlé tous les pouvoirs occidentaux. Mais on ne sait pas de quand elle date, ni ce qui s’est passé. Je n’avais pas envie d’apporter davantage de précision. Je voulais laisser des zones d’ombres. Il y en a d’autres.

 J.  Dans ce futur, la société, ou plutôt les sociétés, au sens de « firmes »,  enserrent les individus dans une nasse, une toile d’araignée qui influe jusque sur le choix de leurs activités. On le voit bien avec le journaliste Fjord, qui est obligé d’avoir tous les jours une activité physique contraignante s’il veut que son assurance (privée bien sûr) lui rembourse les soins médicaux. Pensez-vous que ce genre de dérive peut  arriver si nous n’y prenons garde ?

P.N. Je pense que c’est là, un des problèmes actuels : nous ne prenons plus garde à grand-chose. C’est un des pièges de notre époque et de la course au bien-être individuel : nous sommes prêts à beaucoup sacrifier pour conserver notre bonne santé, notre prochain week-end entre copains, notre film du dimanche, notre téléphone portable. Nous avons troqué une forme de responsabilité et de liberté civique contre du confort. Si l’on veut sortir de cet engrenage, il faut d’abord accepter de renoncer. Dire non. Cela me semble déjà compliqué. Pour le reste, imaginer des entreprises qui vont petit à petit coller à leur salarié une pression de plus en plus forte ne me paraît pas tiré par les cheveux… C’est déjà le cas, non ?

 J.     Votre description de la vie quotidienne est  précise et détaillée. J’ai remarqué que vous ne preniez pas en compte la dimension écologique dans cette vision de l’avenir que vous nous donnez. Est-ce un choix délibéré ?

P.N. Non. Il me semblait que la dimension écologique avait déjà été traitée. Et c’est un domaine que je ne maitrise pas.

J.     Nina et son ex-mari Fjord sont tous les deux journalistes. Vous avez été vous aussi journaliste. Quelle est la part de réalité dans la description plutôt acide que vous faites de ce métier ? Avez-vous, comme Fjord Keeling, été confronté à des rapports conflictuels avec les actionnaires/propriétaires du journal dans lequel vous travailliez ?

P.N. Non, je n’ai jamais vécu ce genre de situation. Les pressions existent, les jeux d’influence aussi. Mais cela fait partie du boulot. C’est de la politique et vouloir s’en affranchir relève de la naïveté. En revanche, en France, on a un problème spécifique : journalistes et hommes de pouvoir ont du mal à concilier proximité et indépendance des points de vue. Mais ce n’est pas propre à la presse, cela s’appelle le conflit d’intérêts et, culturellement, nous avons du mal à avancer sur le sujet.

 J.     Pensez-vous, comme vous le décrivez dans votre roman, qu’en France les cartels de la drogue peuvent un jour avoir une  puissance telle que l’Etat ne pourra plus s’y opposer ? Et quelle est là aussi la part de réalité et d’imaginaire dans votre description du milieu  de la drogue ?

P.N. C’est totalement imaginé. En revanche, je me suis toujours demandé ce qui arriverait si ces réseaux se structuraient de manière intelligente et organisée. La concurrence entre les trafiquants de drogue est une bonne chose pour l’Etat. Le jour où ils feront la paix, nous pourrions avoir un problème.

 J. J'ai trouvé le personnage d'Aymeric Péan de Montfort très intéressant. Vieux "serviteur de l'Etat", il tente de sauver les meubles alors que l'Etat devient de plus en plus déliquescent. Ce personnage, gravement malade, tout près de la mort, est-il le symbole de la disparition progressive des états-nations au profit des grands groupes financiers internationaux ?

P.N. Disons que je trouve que parmi les hommes politiques, la notion d’Etat et d’intérêt général est de moins en moins présente. Ils en parlent à longueur de discours mais leur attitude ne cadre plus avec l’idée française que l’on se fait de la responsabilité d’Etat. Le politique est devenu un métier comme un autre. Ce n’est pas forcément un reproche que je leur fais. Simplement un constat. L’argent est partout. Dans tous les esprits. La plupart de ceux qui disent le contraire mentent. Je pense sincèrement qu’il va être dur dans les années à venir de trouver des concepts, des idéaux, des valeurs capables de rassembler par-delà les communautés, de fédérer tout en résistant aux assauts de l’argent.

J.   Vous imaginez une configuration sociologique de Paris inversée, avec un centre ville appauvri, misérable et laissé à l’abandon, et des quartiers périphériques dans lesquels on trouve des « villes privées » pour milliardaires.  Ce mouvement est-il selon vous  réaliste ? Si oui, qu’est-ce qui pourrait nous y amener ?

P.N. C’est plus un clin d’œil à l’histoire. Il m’a semblé, mais je ne suis pas un spécialiste, que pendant des siècles, le cœur des villes était davantage occupé par la « vermine » et que les personnes aisées s’en éloignaient. L’espace est un luxe.

J.   Vous avez la double nationalité, française et britannique, et je suppose que vous maitriser parfaitement la langue anglaise. N’êtes-vous pas tenté d’écrire vos romans futurs directement en anglais pour avoir une plus large diffusion ?

P.N. Pourquoi pas ? D’autant que la langue anglaise permet d’aller plus vite à l’essentiel. Mais, écrire correctement demande des années et c’est en français que j’ai fait mes gammes. J’aime cette langue, son vocabulaire, sa musique.

 J.  Quels sont vos projets d’écriture ? Un autre roman en cours ?

P.N. J’ai deux romans en cours et un projet de série pour la télévision. J'ai besoin de travailler sur plusieurs projets à la fois. Je termine une saga familiale qui se déroule entre 1970 et 2010. C'est un livre décalé, beaucoup plus onirique que Serenitas. Il sera fini avant l'été. J'avance aussi sur le squelette d'un thriller qui se déroulera entre 1840 et 1981. il aura pour toile de fond les mouvements libéraux et anti-communistes en Europe. Enfin la série télé est un projet de polar dans le monde de l'entreprise.

 

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