Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/05/2012

Réseau d'Etat, de Hugues Leforestier (Chronique 1)

 reseau_d_etat.jpgUne chronique d'Albertine.

Certains comme moi lectrice,  se sentiront bien innocents face à la galerie des roublards de la politique, qui, tels des joueurs de poker, reniflent l’adversaire, repèrent ses tressaillements, scannent sa stratégie et abattent leur jeu.

Certains comme moi lectrice, s’étonneront encore et toujours de la récurrence du fonctionnement des gens de pouvoir en réseaux mafieux très respectables, et de la qualité de leur cynisme, que le français moyen ne peut envisager que dans les romans.

Certains comme moi lectrice, seront enchantés de constater que ces grands roublards, ces grands cyniques, en sont encore à se demander, tels de jeunes débutants, auprès de qui il vaut mieux être assis dans un dîner du Siècle pour rentabiliser la soirée.

Certains comme moi lectrice, auront envie de dire à Hugues Leforestier : continue comme ça et dans trois ou quatre livres, tu les auras tous  tellement couverts de honte, qu’ils ne pourront plus la boire ; alors ils lâcheront tous le pouvoir et l’anarchie poussera comme pissenlit. Il s’agit d’un comte de fée bien sûr !

 J’arrête ma litanie pour dire que ce roman traque tous les travers des politiques : depuis leur fatuité concupiscente (notamment devant l’Ava Gardner du journalisme prénommé Lou) : « Il salivait déjà, pas seulement à l’idée de l’excellent repas qu’ils allaient faire (…) pas seulement au souvenir de sa beauté et de son tempérament qui l’avaient immédiatement séduit, pas seulement non plus du fait qu’elle était journaliste(..) non, il salivait à l’idée de ce que cette seconde rencontre allait exiger de charme de sa part, à l’idée de la séduction qu’il allait devoir exercer. » ; leur haine envieuse et stimulante « les deux hommes se considéraient avec l’amabilité de deux escrimeurs avant l’assaut, chacun gardant l’aspect trompeur du chevalier jusqu’au dernier moment, celui de l’estoc, lorsque les opposants se métamorphosent en tueurs et guettent chez leur proie un instant de faiblesse pour percer sa chair d’un éclair. » ; leurs stratégies d’instrumentalisation de la presse ; leurs usages des services secrets ; leur grand goût des petits avantages matériels octroyés par la République…

 Et bien entendu, le lecteur ne peut s’empêcher de rechercher quel homme politique actuel est épinglé : fastoche lorsque les indices sont la fonction : tel Marcoussy le Président, qui dit « Il est prétentieux ce Bauman (…) je me demande s’il ne se croit pas plus intelligent que moi ? (…) Mais bon, ma femme l’aime bien. Elle trouve qu’il fait peur aux gens et qu’il me rend plus sympathique . Vous me trouvez sympathique, m’sieur Mariono ? Je n’en ai pas besoin, notez bien, mais ça ferait un petit plaisir quand même » ; s’agissant de la Première Secrétaire du Parti, l’ambiguïté n’est pas de mise : elle n’a même pas de nom ! Plus délicate est la recherche lorsque ces indices sont les noms dont l’auteur les a affublés : de qui le « Premier ministre Jansen », « qui a raté l’élection la plus facile de toute l’histoire de l’univers et de environs » est-il  le nom ? un janséniste serait il là-dessous ?

Bref, comme dans tout récit crypté, nous trouverons de quoi nous amuser.

 Mais là où l’auteur se lâche vraiment, et avec une tendresse certaine quoique très piquante, c’est dans le récit des retrouvailles des vieux trotskards : banquier, haut fonctionnaire, homme de presse, publicitaire… Ces retrouvailles sont organisées par Auguste (quel clown !) pour sauver Martin Martin, dit la Cible, ex-camarade recherché par toutes les polices de la République, et surnommé le gamin, tant il était jeune lorsque les vieux briscards réunis l’avaient rencontré dans les années soixante. Deux moments hauts en couleurs constituent cette reconstitution de ligue dissoute : tout d’abord  le dîner du Siècle rassemblant le Tout Paris Politique, au cours duquel les vieux « camarades » ont un peu de mal à laisser tomber  leur veste embourgeoisée pour se remettre dans la peau des jeunes révolutionnaires qu’il avaient été et se décider à défendre leur ancien camarade ; enfin,  le dénouement de la traque, qui voit ces mêmes  hommes de pouvoir se rejouer le film de leur jeunesse : «-  Je les ai appelés dit Auguste. Ils sont venus. Tous ces vieillards le regardaient, cherchant à faire revivre leurs souvenir (…), cordon dérisoire de gens importants qui venaient lui servir de gardes du corps ». 

Lisez donc ce roman dont l’histoire est très bien ficelée et qui en dit si long, dans une écriture rapide et efficace, sur notre République, nos politiciens, nos services secrets et notre presse.

Et si en refermant le livre vous n’êtes pas devenus anarchistes, vous ne le serez jamais !

 Albertine, 24 mai 2012

Une autre chronique sur ce roman : celle de Paco.

Réseau d'Etat
Hugues Leforestier
Editions Jigal
Collection Jigalpolar
184 pages
16

 


Présentation de l'éditeur

 

A la veille des élections présidentielles, un homme à bout de souffle qu’on essaie ? en très haut lieu ? de faire passer pour un terroriste, est traqué par toutes les polices de France. La cible, un ancien gauchiste devenu mercenaire pour une obscure officine spécialiste des coups tordus, a dans sa jeunesse entretenu des relations plus que privilégiées avec plusieurs hommes d’État. Et détient peut-être des dossiers compromettants sur certains d’entre eux… Une excellente raison sans doute de déclencher les manœuvres sans foi ni loi des cercles rapprochés du pouvoir afin de le faire disparaître au plus vite… et définitivement ! De la Françafrique à la présidence de la Commission européenne, en passant par les fameux dîners du Siècle, il faudra toute la perspicacité de Lou, journaliste politique d’un grand quotidien national, talentueuse et opiniâtre, pour dénouer les fils complexes de cet écheveau politique à l’allure très contemporaine…Aux dires de certains, le réseau Berlucci serait une officine de la CIA, ayant pour vocation d’être le bras armé et surtout financier du complexe militaro-industriel américain. Le business plan est exemplaire : réunir dans son staff une flopée de dirigeants politiques ? tous pays confondus ?, prendre dans le monde entier le contrôle d’entreprises stratégiques et capter ainsi de très nombreuses commandes d’État. Simple et redoutablement efficace ! La cible est un ancien anar, spécialiste des coups tordus pour l’officine, mais devenu soudain très gênant… les temps changent ! Ses camarades de jeunesse ? tous survivants de 68 ? sont depuis passés pour la plupart et sans vergogne apparente, du trotskisme à la politique et à la finance débridée. Argent, pouvoir et intrigues… Tout est là… le reste est affaire de fiction… ou presque ! Et dans ce premier polar, Hugues Leforestier la met en scène avec une efficacité redoutable… Bien sûr, toute ressemblance, bla bla bla...

 

Les commentaires sont fermés.