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20/12/2012

Furioso, de Carin Bartosch Edström (chronique 2)

furioso.jpgUne chronique d'Albertine.

Stript-tease de l'âme

 Lire un roman de 587 pages, c'est passer des heures et des heures avec un auteur, dans le monde qu'il nous fabrique, avec les personnages qu'il fait vivre, et les histoires qui les agitent. Comme je suis allée au bout de la lecture de Furioso, écrit par Carin Barosch Edström, je crois nécessaire pour moi et éventuellement pour de futurs lecteurs, d'en faire chronique.

 En premier lieu, chapeau bas pour ce qui concerne les relations psychologiques entre les personnages : le moindre mouvement, toussotement, mot..., est noté, décrit et décrypté dans le sens qu'il prend pour telle ou telle personne, ainsi que les mouvements de l'âme qu'il déclenche en elle et même sur les autres. Nous entrerons ainsi dans les mille détails des relations nouées entre quatre musiciennes et un violoniste  beau, séducteur, incroyablement doué, qui fascine toutes les femmes présentes,  réunies avec lui pour un enregistrement,  dans une île au large de Stockholm. Cela nous conduira, après  243 pages, à  l' histoire « policière » proprement dite, avec un assassinat, celui du séducteur, évidemment, que chacune des femmes présentes avait une bonne raison de tuer.

L'enquête de la deuxième partie conduite par deux femmes, Ebba et Vendela, reste sur le terrain psychologique, et nous assisterons au fil des interrogatoires, au lent strip tease de l'âme de chacune des musiciennes, toutes se retrouvant à poil au terme des 587 pages. 

 En second lieu, l'art du récit est indéniable : sur la base de la solide connaissance que nous avons acquise des personnages dans la première partie, nous apprécions la finesse des enquêtrices. Si au long de la première partie, il s'agissait de nous donner à voir et comprendre les mouvements de l'âme de chacun dans ses relations aux autres, il s'agira ensuite d'entendre les justifications que chacun donnera de ses actes. Ebba et Vendela tournent et retournent les hypothèses de mobile et alibis, et confrontent les demi-vérités  peu à peu arrachées aux suspectes, avec la scène du crime et le déroulement supposé de la brève disparition du cadavre.

Ouf, nous sommes entrés dans le polar classique, et l'auteur (enfin, l'enquêtrice) nous aide à nous y retrouver dans les états d'âmes et actions des amantes déçues. La vérité s'arrache difficilement, enfouie par chacun dans le puits sans fond de ses désirs et ambivalences.

Le dénouement sera étrange, ce qui plaide en faveur d'un récit bien tourné, et nous en sortirons en nous demandant si au fond, le coupable n'est pas tout simplement la victime. Si c'était là l'intention de Carin Edström, elle a bien réussi son coup.  Si quelque lecteur est d'un avis contraire sur la chute de l'histoire, je lirai avec plaisir son commentaire car il est possible que, peu branchée sur la fine psychologie de la séduction, j'aie mal connecté certaines informations.

 Et le plaisir de la lecture ? Je suppose qu'il existe puisque j'ai résisté à la tentation d'arrêter la lecture à la deux cent quarantième page, lorsque Jacques m'a dit que le cadavre apparaîtrait à la deux cent quarante troisième. Il existe parce que Carin Edström est une orfèvre dans son approche minutieuse des personnages, si l'on supporte par exemple de suivre Caroline en train de déjeuner : « Avec une moue mutine, Caroline piocha  une crevette dans l'assiette de Louise qui, en retour, lui enfourna un bout de pain à l'aïoli dans la bouche en riant. Une goutte atterrit sur sa lèvre supérieure. La jeune femme sortit la pointe rose de sa langue et se lécha lentement en regardant Raoul droit dans les yeux. Les narines dilatées, il toussa dans son poing sans détourner le regard. Caroline déglutit et sentit qu'elle avait les joues en feu. Troublée, ...etc ». Plus sérieusement, l'intérêt de la lecture existe parce que son récit de l'enquête est très bien structuré,  les rebondissements dans la compréhension des protagonistes et de l'évènement étant bien conduits et nous donnant envie d'en savoir plus.  Une plus grande sobriété ne nuirait pas au tableau. Mais si vous aimez les romans psychologiques, alors vous adorerez celui-ci.

 

Albertine, 21 décembre 2012

 Une autre chronique sur ce roman : celle de Jacques.

Furioso
Carin Bartosch Edström
Editions JC Lattès (octobre 2012)

Collection Thrillers

550 pages ; 22 €

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