18/09/2015
Les vrais durs meurent aussi, de Maurice Gouiran (chronique 2)
Une chronique de Paco
Nous sommes à Marseille, en plein mois d'août. Ambiance estivale dans la cité phocéenne, quelques effluves de bouillabaisse arrivent jusqu'à nos narines, mais aussi de maquereaux fraîchement pêchés, grillés au bord de la Méditerranée. Un vrai festival de senteurs. Il y aura par contre quelques zones d'ombre qui vont se placer dans ce décor pas si désagréable: des retraités de la Légion étrangère sont retrouvés morts, les uns après les autres, aux abords des routes, poignardés et mutilés, les testicules dans la bouche.
Soit-dit en passant, ces zones d'ombre ne restent jamais trop longtemps dans notre esprit, car l'auteur nous en envoie plein la gueule avec ses personnages d'une puissance remarquable au niveau du caractère! Le langage, le franc-parler, ces piliers de bistrot qui se désaltèrent comme ils peuvent avec cette canicule, accompagnés de propos crus, honnêtes parfois, intègres souvent, mais toujours sans aucun détour.
Mais, si on connaît les romans de Maurice Gouiran, nous savons d'avance que nous allons mettre les pieds dans une merde monumentale, qui prend sa source dans le passé, un passé souvent très peu glorieux et limite dégueu. Cela sera le cas ici. Les couilles dans la bouche des victimes légionnaires nous donneront déjà une direction: la guerre d'Algérie. Mais pas seulement.
Nous allons suivre Clovis Narigou, ancien journaliste, un homme de la région que nous connaissons bien, à présent, à condition bien sûr d'avoir suivi les romans de cet auteur marseillais. Clovis, à la demande d'un vieil ami, - le vieux Biscottin -, va aller trainer et tendre l'oreille à gauche et à droite dans la région afin d'obtenir quelques informations sur un vieux Polonais qui aurait disparu depuis quelques temps. Ce Polonais, apeuré, se serait rendu chez le vieux pour lui remettre une boîte à chaussures en lui précisant qu'il était en danger. Ce Pollack, vous vous en doutez, est un retraité de la légion étrangère qui a oeuvré en Algérie et en Indochine. Fait-il partie des légionnaires assassinés?
L'enquête ne révélera pas grand-chose au grand public: eh oui, lorsque l'on touche à l'Histoire, il y a des choses qu'on ne dit pas, qui restent tabous, et qu'on voudrait voir enterrées bien profond. Mais la merde, lorsqu'elle est bien épaisse, déborde de partout et devient difficile à cacher. Et bien évidemment, le temps ne suffit pas à effacer le passé. Honte nationale.
Revenons à notre enquête... Un homme enragé ne va justement pas vouloir laisser les choses entre les mains nouées du passé et va agir. Nous aurions presque envie de dire qu'il a de bonnes raisons de le faire, si on se laisse prendre par les émotions. Oui, car l'auteur va nous fournir un sacré paquet d'éléments issus du passé qui vont pas mal nous toucher. Des faits historiques, respectivement des actes malheureusement réels.
Clovis, par ses recherches pointues, ses investigations pertinentes, va ajouter un volet géographique à son enquête concernant le Polonais: le Vietnam, ou encore l'Indochine.
Cet aspect de ses investigations va l'amener au camp du Moulin-du-Lot, au sud-ouest, un camp de rapatriés d'Indochine. Cet endroit existe toujours, un parc à laissés-pour-compte, un lieu renié et quasiment oublié par l'Etat français. Une honte, y a pas photo (heureusement d'ailleurs).
Lors de cette enquête, nous en saurons également un peu plus sur quelques thèmes qui ont modelés l'Histoire, à l'image de ces juifs qui devaient fabriquer des fausses livre-sterling et de faux dollars, durant la Seconde Guerre mondiale. Cette opération, appelée "Opération Bernhart", consistait à déstabiliser le marché anglais et américain, soit les adversaires du Reich.
Que vient faire une telle histoire dans notre histoire? Ah ça... Maurice Gouiran sait utiliser des pans de l'Histoire pour créer les siennes!
C'est en Autriche, vers la commune de Bad Ausse, dans la Styrie, que nous nous rendrons pour aller chercher les réponses dont nous avons besoin pour dénouer cette intrigue. Un paysage qui change radicalement par rapport à Marseille, la ville caniculaire que nous venons de quitter. Nous apprendrons, par le biais de divers récits, ce qui s'est tramé dans cette région montagneuse en 1945, en rapport avec le nazisme.
Un joli pied-de-nez dans ce dénouement; Maurice Gouiran met un terme à son histoire qui prend une dernière tournure intéressante.
L'histoire se terminera pour nous, lecteurs, mais connaissant l'auteur, l'Histoire n'a de loin pas fini de faire couler encore pas mal d'encre sous sa plume qui déplume et décortique le passé.
Bonne lecture.
Le blog de Paco : passion romans
"Les vrais durs meurent aussi", de Maurice Gouiran
Editions Jigal / 2015
334 pages
15:02 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : les vrais durs meurent aussi, maurice gouiran | Facebook | |
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