17/02/2020
La machine à brouillard, de Tito Desforges
Une chronique de Cassiopée
Avais-je revécu des souvenirs ou bien inventé des songes ?
La couverture de ce roman m’a tout de suite attirée. Elle est sobre. Elle donne l'idée que quelqu'un est prisonnier mais de quoi? de sa vie? de ses envies? de ses peurs? d'autres personnes? En fait, elle ouvre de multiples possibilités ...
Et puis, j’ai fait connaissance avec Mac Murphy. Il a été soldat avec des états de service remarquables. Affecté à la base secrète de Chu Mon Rai en territoire cambodgien, il fut d’ailleurs le seul survivant après une attaque. Mais traumatisé par divers faits, il a été mis « au repos forcé » parce qu’il ne pouvait plus être militaire. On le retrouve face à un docteur, qui l’interroge et à qui il explique ce qu’il a vécu avant d’arriver vers lui. On voit bien que ses séances sont difficiles tant dans la forme que dans le fond de ce qui est évoqué. Tous les deux ne se comprennent pas, parfois, souvent, leurs avis divergent, leurs interprétations des situations ne sont pas les mêmes. Ce qui ressort de ces dialogues, c’est la grande souffrance de Mac Murphy. Il raconte son passage à Grosvenore-Mine, dans le bush australien où sa fille a été enlevée par les habitants. Parfois, il perd pied, il cherche ses mots, le brouillard envahit son esprit. Il ne sait pas il ne sait plus. Les lieux se mélangent, il confond le nom des gens, il ne s’en rappelle pas, il s’énerve de perdre pied, il s’en rend compte, il sait qu’il a ce trouble et ne supporte pas d’être dans cet état … Le fossé d’incompréhension qui le sépare du docteur s’élargit de plus en plus ….
Ce roman est parfaitement dosé au niveau des aspects : passé /présent. La construction est originale, on lit les entretiens entre le patient, le médecin et son adjoint ainsi que d’autres pages où Mac Murphy prend la parole et narre à la première personne ce qu’il a vécu. La présentation sous forme de discussions permet de ne pas avoir de passages qui sembleraient longs sur le pourquoi du comportement du père. L'explication finale est très claire. Les différentes références sont astucieuses et bien pensées et apportent un plus à l’ensemble car, au fur et à mesure, toutes les pièces du puzzle s’emboîtent.
L'écriture est « musclée », elle a du rythme, un bon tempo. Le phrasé de Tito Desforges m’a pris aux tripes. Il a su m’attraper le cœur en m’emmenant au plus près de la souffrance de cet homme, père avant toute chose. J’étais pratiquement prête à lui pardonner ses coups de sang, ses coups de gueule, ses coups de folie…. Parce que, finalement, ce qu’il formule, c’est un immense cri d’amour pour sa petite.
C’est un récit qui m’a bouleversée, j’ai touché du doigt la solitude et la douleur de cet homme, ses angoisses, ses peurs les plus profondes, j’ai essayé de me protéger pour que son brouillard ne m’envahisse pas mais j’aurais tellement voulu lui apporter la paix….et lui tenir la main…
Éditions : Taurnada (13 Février 2020)
217 pages
Quatrième de couverture
Mac Murphy est un soldat d'élite. Mac Murphy est fort. Mac Murphy est dur. Mac Murphy est fou. Mac Murphy trimbale dans sa tête une épouvantable machine à brouillard qui engloutit ses souvenirs, sa raison et l'essentiel de son âme, morceau après morceau. Quand les habitants de Grosvenore-Mine, ce village perdu dans les profondeurs de l'Australie, se hasardent à enlever la fille de Mac Murphy, ils ne savent pas à quel point c'est une mauvaise idée.
23:02 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
Les commentaires sont fermés.