12/06/2020
Mexico bronco, de Patrick Amand
Une chronique de Cassiopée
Voilà un petit polar qui décoiffe !
Eneko Aggiremutxeggi, il a un nom imprononçable mais c’est normal, il est basque ! Après quelques soucis avec le barreau, Eneko (oui, je vais me contenter de son prénom) a pris les chemins de traverse : il est devenu détective. Pas vraiment dans les clous, ses méthodes sont ce qu’elles sont…. Un gros magnat du haricot le contacte et lui confie une mission au Mexique, tous frais payés. Ce qu’il doit faire ? Trouver le fils de la famille qui est parti étudier à Mexico et qui ne donne plus de nouvelles. Eneko se rend donc là-bas pour mener l’enquête.
Ce pourrait être simple mais le contexte est difficile. Le récit se déroule en 2001. A cette époque, le mouvement zapatiste est en pleine activité. Je ne vais pas refaire l’histoire, mais il est malgré tout important d’avoir une idée du contexte. Rafael Sebastián Guillén Vicente, dit « sous-commandant Marcos », est un militant altermondialiste mexicain qui a été le porte-parole de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN). A la fin des années 80, il a pris fait et cause pour les Indiens du Chiapas. Beaucoup d’autres, comme eux, n’avaient plus droit à la parole. Marcos a su les rassembler pour l’EZLN. Début 2001, Marcos et les Zapatistes ont décidé d’une longue marche de trois mille kilomètres en direction de Mexico pour rencontre le président de la république et reprendre les négociations sur les droits des indiens interrompues en 1996. La marche devait être pacifique mais ce n’est jamais aussi simple que ça. De nombreuses personnes, les mouvements de foule, les éléments perturbateurs qui se glissent ça et là et vous voyez l’ambiance. En plus, lorsqu’on s’oppose au pouvoir politique en place, on a tout de révolutionnaires et on est considéré comme tels.
C’est dans cette atmosphère un tantinet électrique, dans un pays où la pauvreté transpire, qu’Eneko va se faufiler, se glisser et essayer de se renseigner incognito. C’est sans compter son côté imprévisible, rebelle et spontané. Il a le langage fleuri, brut de décoffrage et les attitudes qui vont avec. Alors forcément, il va se retrouver à faire des rencontres improbables, certaines plutôt bénéfiques, d’autres plutôt dangereuses. Il sera obligé de jongler entre tout ça, de se cacher, d’observer, de découvrir quand même ce qu’il est advenu du jeune étudiant qu’il recherche. Le contexte est bien choisi, riche, décrit avec précision. A l’étranger, il faut se plier aux codes de vie du pays, pour ne pas avoir d’ennuis et Eneko s’en rend compte rapidement. Même s’il n’en a pas envie, il doit se plier à certaines exigences….
Le rythme est vif, rapide. L’écriture endiablée, teintée d’ironie et d’humour, aborde pourtant de vrais problèmes. C’est probablement dans ce phrasé que réside la force de l’auteur. L’air de rien, il touche à des sujets graves, démontre que les hommes peuvent sembler « légers », voire « détachés » et être de vrais gentlemen (n’est-ce pas Eneko page 155 ?). J’ai aimé cet équilibre entre le fait de toucher du doigts de vrais problèmes de société et l’homme qui les regarde sans se prendre au sérieux. Son attitude permet de dédramatiser les situations, de penser qu’il y a toujours une solution, de rester optimiste et on en a bien besoin !
J’ai été conquise par ce recueil. Il apporte une bouffée de fraîcheur, de la couleur dans le monde des romans noirs avec son petit côté décalé, ses personnages atypiques et attachants. Et toutes les allusions à Hubert Félix Thiéfaine (toute ma jeunesse) sont un plus !
NB: la photo de couverture est superbe !
Éditions : du Caïman (9 Juin 2020)
172 pages
Quatrième de couverture
En acceptant de partir à la recherche du fils d'un patron du CAC 40 évaporé dans la nature mexicaine, Eneko Aggiremutxeggi - avocat radié du barreau reconverti dans les enquête et filatures douteuses - ne s'attendait pas à un tel périple. En ce mois de février 2001, au beau milieu de la caravane de l'EZLN, l'Armée zapatistes de libération nationale, l'enquêteur basque aux méthodes peu orthodoxes, se retrouve embarqué dans un road-movie zapatiste improbable...
23:01 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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