30/07/2020
Munera, de Eric Calatraba
Une chronique de Cassiopée
Homo homini lupus est *
Laponie suédoise, Rio, le Canada, l’Australie, la France et d’autres coins du monde…. Au début de son roman, en quelques lignes, l’auteur nous emmène à la rencontre d’hommes. Peu de femmes, des hommes, pas n’importe lesquels d’ailleurs… La plupart essaient de se raccrocher à la vie mais c’est difficile…
Au Canada, il y a Ethan, un ingénieur à qui ses supérieurs demandent de faire accepter un chantier de gazoduc dans le Yukon. Le Yukon c’est un territoire du nord-ouest du Canada, sauvage, montagneux et faiblement peuplé. On y trouve des espaces de vêlage protégés pour les caribous et des Inuits qui vivent grâce à eux. C’est de là que vient Ethan et même s’il reste peu en contact avec sa famille et ses amis qui habitent là-bas, est-il prêt à les trahir pour le projet de son entreprise ? Il va retourner sur place, essayer de convaincre ceux qu’il a côtoyés longtemps qu’il faut accepter le progrès, que cet avenir va peut-être les aider…. Va-t-il réussir à les persuader ? Va-t-il se poser des questions sur ce qu’il est devenu ? Un jeune loup dans une faune de techniciens qui ne pensent qu’en terme de rentabilité ? Ou a-t-il encore un lien avec celui qu’il a été ?
Pendant ce temps, en France, un corps est repêché, mutilé, enfermé dans un sac avec des animaux. Un SDF semble avoir vu quelque chose mais quel crédit accorder à ses paroles ? Le capitaine Raphaël Larcher et le commandant Ugo Lucchi sont chargés de l’enquête avec leurs collègues. Dès le début, ils sentent que cette histoire n’est pas nette, qu’il va falloir creuser et sans doute se mettre en danger.
Comment lier les quatre coins de la planète, la France et le Canada ? Par un polar exceptionnel écrit par Éric Calatraba. Dans ce genre de romans, on a souvent deux intrigues en parallèle qui finissent par se croiser et alors tout s’éclaire. Mais ici, c’est beaucoup plus subtil. De nombreuses entrées nous entraînent et ce n’est pas survolé. On rentre dans le quotidien, voir l’intimité de ceux dont on fait connaissance, on les croise tout au long des chapitres, on les laisse un temps, on revient vers eux. Au Canada, Ethan se bat contre lui-même, il est retourné sur la terre qui l’a vu naître et il ne sait plus que faire, il est sans cesse tiraillé et a besoin d’un coup de pouce pour se (re) connaître. Les enquêteurs français, eux, sont confrontés à des choix drastiques : en savoir plus sur leurs investigations mais se mettre en danger, prendre des risques … Quelle place donner à leur vie personnelle, à celles qu’ils aiment ? Peut-on séparer famille et boulot ? Tout n’est-il pas étroitement lié ?
Avec de nombreuses références latines, des clins d’œil musicaux, une écriture magnétique et un style puissant, l’auteur nous prend dans ses rets. Il nous rappelle combien certains hommes se « nourrissent » de la violence, la mettant éventuellement en scène. Mais il démontre également que d’autres galèrent, rêvent de s’en sortir, que le dénuement peut frapper tout le monde. J’ai apprécié la personnalité troublante et trouble des deux policiers, leurs questionnements en lien avec leur vécu. J’ai aimé la volonté de certains personnages de croire encore en un avenir possible. L’atmosphère est prenante, les scènes décrites avec un réalisme qui met des frissons…. J’ai dévoré ce livre, j’avais mal pour ceux qui souffraient, j’aurais voulu me battre à leurs côtés, j’avais envie de cracher sur d’autres…. Et j’ai pensé que, oui :
*L’homme est un loup pour l’homme
Mais on peut toujours espérer, hein, Monsieur Calatraba ? C’est bien ce que vous voulez exprimer dans les derniers mots de ce recueil ?
Éditions : du Caïman (19 Novembre 2019)
380 pages
Quatrième de couverture
Aux quatre coins du monde, des hommes qui n'ont plus rien à perdre risquent leur vie dans des combats singuliers. Quelques mois plus tard, un cadavre enfermé dans un sac en compagnie d'un coq, d'un singe, d'un chien et d'un serpent est repêché à Nice. C'est le point de départ d'une nouvelle enquête pour le capitaine Larcher et le commandant Lucchi. La chasse à l'homme est lancée, de l'embouchure du Var aux confins du cercle polaire, en passant par les favelas de Rio.
11:50 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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