Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/03/2011

Entretien avec Philippe Georget sur "le paradoxe du cerf-volant"

    L’intrigue de votre roman est remarquablement construite, avec une grande habileté. Comment avez-vous procédé ? Avez-vous écrit le scénario détaillé de l’histoire avant de coucher le premier mot sur le papier ? Ou bien aviez-vous l’idée générale, pour affiner ensuite l’intrigue au cours de l’écriture ?

Jusqu’ici (je n’ai que deux romans à mon actif), je me suis toujours contenté d’une idée générale avant de me lancer dans l’écriture, avec toutefois quelques éclairages plus précis sur certains personnages, décors ou rebondissements. L’ensemble s’élabore progressivement, l’intrigue se  complexifie par moments ou se simplifie à d’autres (il faut parfois « élaguer ») ; la psychologie des personnages s’enrichie elle aussi au fil de l’écriture.

         Cette manière de travailler implique de nombreux retours en arrière pour mettre en conformité le texte déjà écrit avec les changements intervenus. Ce n’est pas toujours d’un grand très confort et d’une grande simplicité mais cela m’oblige à une relecture voire à une réécriture permanente. Je pense que le texte y gagne énormément.

         Je vais toutefois m’efforcer de travailler différemment sur mon troisième roman, de baliser plus précisément le terrain avant d’écrire afin d’éviter ces pénibles moments de doute devant une page soit désespérément  blanche, soit souillée d’idées sans intérêt et sans avenir.        

     Comment est née l’idée de ce sujet de roman lié à la guerre dans l’ex-Yougoslavie ? Pourquoi ce choix ?

 Ce livre,  je l’ai commencé il y a une vingtaine d’années, le conflit dans l’ex-Yougoslavie était à ce moment-là au cœur de l’actualité. C’est sans doute la raison de ce choix mais tout cela est si loin… J’ai repris une première fois l’écriture de ce livre il y a dix ans avant de l’abandonner à nouveau par manque de temps (le travail, la famille etc) et sans doute également par manque de confiance.  Quand j’ai décidé de le mener enfin à terme, j’ai pensé qu’il pouvait être intéressant de rester sur ce conflit yougoslave un peu oublié mais qui recèlait toujours en lui des thèmes éternels comme la guerre, la torture, les crimes contre l’humanité.

L’idée que me tenait à cœur était d’interpeller le lecteur occidental trop facilement enclin à donner des leçons aux autres, oubliant que les démons qui agitent les peuples en guerre sont toujours tapis au fond de nous. Ce n’est pas vraiment nouveau, Brecht le disait déjà et bien mieux : « Il est encore fécond le ventre d’où a surgi la bête immonde ».

     J’ai eu l’impression que,  pour vous,  les personnages sont l’essentiel, et que la trame policière n’est là que pour leur permettre d’exprimer pleinement ce qu’ils sont. Est-ce le cas ?

 Pour moi, l’intrigue policière n’est que le squelette d’un roman. Il doit être solide, bien charpenté et surtout pas bancal sinon c’est tout le livre qui boitera. Ceci est capital mais pas  suffisant. Il faut sur ce squelette, du muscle, du gras, de la chair, de l’âme et des tripes. Voilà ce que doivent apporter les personnages, les décors, l’atmosphère et le style. C’était ce que je recherchais dans les livres lorsque je n’étais que lecteur, c’est que je veux mettre dans les miens depuis que j’écris.

     La fin du roman est d’une grande noirceur. Avez-vous été conduit à cela par  le choix initial du personnage principal, boxeur brisé par le drame terrifiant vécu dans son enfance ? Ou bien saviez-vous, dès le départ, comment le roman s’achèverait ? Pour dire les choses autrement, le choix que vous avez fait pour votre héros (son caractère, sa personnalité, les drames qu’il a vécus) ont-ils tordu l’histoire dans une certaine direction, un peu malgré vous ?

 La première chose que j’ai eu en tête en écrivant ce livre c’était le personnage et la première chose sur ce personnage était une phrase lue dans un recueil de lettres de Gérard Depardieu publié à la fin des années 80. Dans l’une d’elle, l’acteur s’adressait à Patrick Dewaere qui venait de mourir et il écrivait : « Ton suicide fut une longue et douloureuse maladie ».  La fin du roman était donc écrite dès le départ, d’ailleurs si on relit les phrases qui ouvrent le livre avant même la première partie, la fin est, si ce n’est écrite, du moins suggérée dès le début. J’ai eu ensuite le titre, « Le Paradoxe du cerf-volant » qui résumait la vie et la souffrance de ce héros.  Ce sont les seules choses qui ne pouvaient plus changer durant l’écriture, quelles que soient les idées qui viendraient après.

  Quels sont les auteurs de polars que vous appréciez particulièrement, et pourquoi ?

 Je suis un lecteur au premier degré, j’aime ou j’aime pas, mais je ne m’interroge pas souvent sur le pourquoi. Ce que je sais c’est que lorsque je lis un Michaël Connely,  un Deon Meyer (auteur sud-africain de polar) ou un Henning Mankell par exemple, je suis heureux et impatient chaque soir de m’asseoir dans mon canapé pour retrouver leurs personnage et leurs histoires. Ce sont des livres bien construits, bien écrits, et qui recèle un «petit supplément d’âme et un indéfinissable charme », comme dit la chanson. Raconter une histoire inventée, c’est un peu comme faire un tour de prestidigitation et pour que la magie opère, il ne faut, ni que l’auteur révèle tous ces trucs, ni que le lecteur cherche à inspecter l’envers du décor, les manches ou le chapeau du magicien.

Je ferai une exception pour Jean-Claude Izzo, auteur de polars marseillais trop tôt disparu : je sais que, chez lui, j’aimais cette espèce d’humanité mélancolique  - ou de mélancolie humaniste, je n’arrive pas à me décider- qui transpirait par tous les pores de son texte.

     Pourriez-vous (ou plutôt : aimeriez-vous) écrire autre chose que des polars ?

 Je suis en train d’écrire une pièce de théâtre. Ce qui veut dire que je suis au moins capable d’essayer d’écrire autre chose qu’un polar. Quant à la qualité du résultat… pour l’instant, tout ce que je peux dire c’est que la troupe de théâtre pour laquelle j’écris souhaite, après lecture des deux premiers actes, que je poursuive cette tentative. Mais bon, ce sont des copains !

Quant à l’écriture d’un roman autre qu’un polar, pour l’instant je n’ai pas d’envie particulière.

Article sur le roman de Philippe Georget