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23/03/2011

Je suis un terroriste, de Pierre Brasseur, deuxième chronique.

Voici un article d'Eric Furter sur le roman de Pierre Brasseur. C'est le deuxième que nous publions sur cet excellent polar noir. Vous pourrez lire le premier article ici.

 

A bien des égards, ce livre m’a révolté, agacé (notamment dans sa première partie volontairement manichéenne) « tourneboulé » mais surtout passionné. Comment en effet des jeunes gens marginalisés par une situation précaire, une volonté artistique de se confronter à l’existence ou de se positionner intellectuellement face à elle - (l’un par la musique (Stéphane /Guillaume) -, la deuxième (Maude) par la photographie, le troisième (Raoul) par la réflexion intellectuelle et théorique en arrivent à commettre l’irréparable en préméditant leurs actes afin de tuer des personnages extrêmement secondaires bien que symboliques de la scène publique française ?
Quatre patrons du M.E.D.F, un journaliste de « l’est républicain », Thierry Di Lucca appartenant à l’UMP sont ainsi assassinés parce que porteur des racines du « malaise démocratique libéral »de la France Sarkosyste du tout sécuritaire et policier mais surtout du vide social et familial, bref de ce qui cimente le lien social nécessaire qui doit nous unir. De vastes questions que nous nous posons tous sans osez vraiment les aborder frontalement mais que l’auteur- Pierre Brasseur prend à bras le corps, sans langue de bois, en se coltinant avec un réel réellement glauque mais tellement vrai et déprimant. Il faut bien en effet que les écrivains affrontent le monde tel qu’il est (carrément moche quoi !) pour nous sortir de notre fauteuil et de notre torpeur afin que la lecture ne soit pas un art confortable et distrayant mais nous bouscule, nous questionne et nous arrache à notre bien-pensance. Le titre est un effet une revendication*, mais l’auteur la cerne plus qu’il n’y adhère. Dans la lignée de Manchette, Fajardie et consorts il observe dans un premier temps des comportements en action puis il s’investit dans une réflexion plus psychologique des personnages avec leurs caractères bien trempés, leurs faiblesses surtout et cet acharnement à ne pas succomber à la tentation d’être un quidam sans relief mais à toujours révéler leur part singulière quitte à jouer à pile ou face avec la vie et la mort.


Cependant la réponse qu’ils donnent au conformisme de tout poil, le mépris qu’ils portent à l’encontre de « cette ère du vide » dont nous sommes les responsables bien involontaires, m’apparaît bien insatisfaisante et bien peu crédible. Même si on doit toujours en être des contempteurs obstinés et résolus.
Car le libéralisme est un totalitarisme que l’on aurait tort de mépriser par des réponses simplistes. Certes il tue à haute dose et avec un cynisme inégalé (cf. : les suicidés de France-Télecom, les licenciés lessivés, les laisser pour compte de la prospérité et la souffrance imperceptible, etc. et d’ailleurs, à quand le livre noir du libéralisme ?).
Mais il est adroit dans la façon de protéger les responsables, où se cachent-ils, ne sont-ils pas le produit de leur production ou le fruit de leur infortune ? A cet égard, le film que Maude va voir un soir de désespérance « Louise Michel » en dit long sur cette difficulté à dégoter les responsables toujours planqués derrière un concept tout à la fois opaque et toujours vague parce qu’indiscernable. Ces adorateurs auront toujours des croyants pour poursuivre leur quête de pouvoir insatisfaite.
A cet égard tuer ne répond à rien et ne suffit plus**.

Eric Furter


*cft  la lecture de l’article sur pierre Brasseur dans son blog polar ;


** la solution proposée par Flore Vasseur dans son roman « Comment j’ai liquidé le siècle » (éditions de l’ Equateurs, février 2010 ) nous apporte une solution moins belliqueuse mais plus subversive : le libéralisme s’effondrera de l’intérieur grâce au terrorisme informatique.