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16/03/2011

Casco Bay, de William Tapply

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Et au milieu coule une rivière...

Une chronique de Cassiopée

« Le matin, qui est le moment le plus mémorable de la journée, est l’heure de l’éveil. C’est alors que la somnolence est la plus faible en nous, et, l’espace d’une heure, au moins, s’éveille une partie de nous-mêmes qui, tout le reste du temps, sommeille. » Thoreau, cité page 11 de Casco Bay

Il est rare que je ferme un livre à regret, cela a été le cas avec celui-ci …

Je suis restée longtemps après l’avoir fini, dans l’ambiance savamment distillée au fil des pages qui se lisent, non, qui se dégustent comme un mets fin, de qualité, en prenant le temps …

Monsieur Tapply est un grand écrivain.
Ecrire un roman policier en étant poétique, d’une écriture fine, ciselée, où chaque mot est choisi, à sa place, relève d’un réel talent.

Evoquer, au milieu d’un roman policier, une partie de pêche avec poésie est un vrai challenge.

"Pendant qu’ils suivaient l’attaque des poissons, le soleil avait percé l’horizon. Maintenant sa lumière filtrait à travers le mélange de brume et de brouillard humide. Aussi loin que l’œil portait, la mer était plate. Les îlots rocheux qui parsemaient la baie n’étaient que des masses grises bosselées. "

Le rythme de ce policier s’apparente à la nature, omniprésente, dans laquelle il se déroule: flux, reflux, au rythme des vagues, du temps … On suit les personnages : c’est salé, venté, ensoleillé, mais jamais violent, ni tourmenté, ni torturé …


L’écriture est fluide, d’une qualité exceptionnelle. Le ressenti de Stoney Calhoun est évoqué avec pudeur et profondeur. Ses sens ont été modifiés lorsqu’il a été foudroyé. Il appréhende la vie avec philosophie, il accepte les événements comme ils viennent, « Carpe Diem », pourrait être sa devise…

Cet homme m’a reposée, il est calme, posé, profond, peu démonstratif. J’aurais aimé marcher à ses côtés, pêcher avec lui, regarder le paysage en sentant sa présence rassurante … Je l’ai imaginé un peu ours, solitaire, préférant la nature et son chien à la compagnie bruyante et parfois compliquée des hommes.
Sa relation avec son chien est évoquée avec délicatesse, ils ont besoin l’un de l’autre.
Sous des dehors bourrus, Calhoun est un homme profond, un homme vrai, droit dans ses rangers ou ses bottes, un homme avare de mots, chassant l’inutilité, le superflu pour revenir aux vraies valeurs, celles de l’amour qu’il porte à Kate entre autres … Kate qui lui dit « Tu es un homme bon».

Ses personnages annexes sont attachants, marchant sur la pointe des pieds dans leur relation avec Stoney, le taciturne.

On a l’impression parfois de s’approcher un peu trop près de lui, alors on reste silencieux, à l’affut, à observer les scènes décrites avec une précision qui n’est jamais lourde, à lire les dialogues bien rythmés …

Il ne faut pas lire ce roman en espérant une intrigue enlevée, pleine de rebondissements, vous nouant les tripes toutes les deux pages … Non, il faut prendre ce roman, comme une rencontre, une de ces rencontres dont on se dit après coup, qu’il aurait été vraiment dommage de passer à côté …
Vous le comprendrez aisément, ce n’est pas un polar qui vous essouffle, vous prend à la gorge, un de ces livres où les actions s’enchaînent sans temps mort. Non, ce n’est pas un roman policier ordinaire …
Il est tout en émotions, en sensations, en images, en sentiments et c’est ce qui en fait sa vraie richesse …

Chapeau bas Monsieur Tapply, je vous relirai avec bonheur, quel dommage de savoir que vous n’êtes plus là pour continuer votre œuvre …

                                                                        Cassiopée

Casco Bay
de William Tapply
290 pages
22,90 €
Editions Gallmeister