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11/03/2011

La danse des évêques, de André K. Baby

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Une chronique de Richard (polars québécois)

Longtemps la littérature québécoise de genre a été décriée. Pas de bons auteurs, des romans insipides, sans imagination, une publicité déficiente ... Dans un cercle vicieux imparable, les libraires noyaient les nouveaux romans dans une mer européenne et étatsunienne et les lecteurs, devant les rayonnages de présentation des nouveautés, se lançaient ( ... et se lancent encore ! ) sur les Dan Brown de ce monde.

Est-ce que le vent change ? Je pense que oui.

 Au fil des ans et des éditions, certains auteurs québécois commencent à revendiquer leur place sur les présentoirs de nouveautés. Quelques vedettes incontournables trônent au sommet (non plutôt au pied) de ces montagnes de nouveautés accrocheuses aux blurbs ( ??? Voir ici !!!) affriolants.
 
Et pourtant !

Après ma lecture de «La danse des évêques» d’André K. Baby, m’est revenu ce questionnement de la place de notre littérature québécoise sur les tablettes de nos librairies (et son absence presque complète sur les rayons des librairies européennes).

Quand j’eus terminé ma lecture de ce très bon roman, je me suis demandé: «Qu’est-ce que ce livre a de moins que les livres de Dan Brown ?»


La réponse: «Rien !!!»

«La danse des évêques» a sensiblement les mêmes qualités ... et les mêmes défauts !


Commençons donc cette analyse comparée, avec les quelques «roches dans le soulier» qui ont agacé ma promenade à travers les pages de ce récit:

  • Encore une fois, la présence de l’éternel duo, le policier sans peur et sans reproche et la belle, jolie, séduisante demoiselle qui accompagne le beau, séduisant commissaire et qui vont sûrement tomber en amour avant la page 99;
  • Pour pimenter le tout, des espions russes, une secte dirigée par une belle Lady anglaise, un industriel français, descendant des Cathares, des politiciens corrompus et certains grands Seigneurs à la robe rouge qui arpentent les couloirs qui mènent aux appartements du Pape;
  • Quelques invraisemblances ... mais si petites que l’on peut jouer le jeu ...(On en a vu des pires dans certains gros romans à succès ... dont une certaine chute à partir d’un hélicoptère ...);
  • Certains dialogues dont on saisit difficilement les protagonistes.

 


Ça vous rappelle certaines de vos dernières lectures ? Tout cela pourrait être le prélude d’un roman «déjà vu» ...

 Mais non ! L’histoire, même si elle est un peu complexe, nous amène son lot de surprises et d'intrigues.

 Avant de passer aux nombreuses qualités de ce livre, faisons donc un petit tour d’horizon des événements qui déclencheront cette enquête qui va mener l’inspecteur Thierry Dulac, inspecteur d’Interpol France, à Paris, Londres, Rome, Moscou, dans les Antilles ... et au Canada !

Dans une station de ski suisse, un cadavre est découvert, ligoté à la structure d’un remonte-pente; très vite, on identifie le corps de Mgr Antoine Salvador. Quelques jours plus tard, un deuxième assassinat est commis contre un autre prince du Vatican ... les deux corps avaient été ornés d’une plaquette de bois où était inscrite une phrase énigmatique. On ferait donc appel à une jeune professeur de la Sorbonne, Karen Dawson, spécialiste des mythologies à qui l’on confie l’analyse des textes: «Le lion est mort. Le Dragon est blessé.» et «Le boeuf est tombé, le Dragon est blessé.».

Voilà lancée cette enquête où la transparence entre les différentes polices n’est pas la règle et où l’opacité des pouvoirs civils et religieux donne l’impression que les Dix commandements ont été réécrits en un seul mot: Silence !!

Et l’ultimatum arrive sur un papier orné d’une extraordinaire enluminure, généralement utilisée par la secte «Pistis Sophia», «exige que soient vendus quatre des toiles du Vatican et que les profits soient versés aux pauvres d’Afrique.»

Parmi les grandes qualités de ce livre, il faut souligner les éléments suivants:

  • Tout d’abord, il faut souligner (clin d’oeil à mes fidèles lecteurs et lectrices) que «La danse des évêques» est un excellent «page turner» et j’oserais même avancer une très belle expression proposée par Marie-Christine (merci beaucoup !!!): ce roman est un «livre-braises» ... Les pages et les chapitres nous brûlent les doigts ... Seul le léger souffle des pages qui tournent et la construction haletante du récit ... soulagent cette si rare et agréable douleur connue des lecteurs de polars;
  • Les personnages sont attachants, bien présentés et très vite, on apprend à les connaître, à anticiper leur réaction, leurs désirs, leur motivation. (Même si c’était une «méchante», j’ai bien aimé le personnage de Lady Sarah Litman, marquise de Dorset);
  • Le lecteur est transporté d’une situation à l’autre, d’un personnage à l’autre, de chapitre en chapitre, sans être perdu. Construit dans le plus pur style des romans à suspense, le récit nous approche graduellement du dénouement par des chemins de traverse, par des détours déroutants, par une montée des actions d’une intensité bien équilibrée. L’intrigue est simple, le chemin pour parvenir au dénouement est complexe. Heureusement, l’auteur nous raccroche à chaque chapitre ... après ce petit deuil que l’on vit tous quand il nous amène vers d’autres personnages.
  • Un dernier élément fort intéressant, prenant si peu de place dans le roman mais lui donnant une saveur très particulière: le dilemme moral de la fille d’un des meurtriers qui se voit offrir en héritage, «l’argent du sang» ... « ... ployant sous le poids du lourd trésor tant désiré et d’un lourd secret indésirable.» Ne connaissant pas les intentions du romancier pour ses futurs écrits ... ce personnage m’a particulièrement fasciné. La reverrons-nous ?

Bien sûr, je ne vous dirai pas que ce livre est un «grand roman» qui va révolutionner le genre; cependant, ce que je peux affirmer sans aucune crainte, c’est que ce livre va vous procurer de très bons moments de lecture. Vous serez happé par l’histoire, accroché par les chapitres courts, l’écriture sans fard et finalement, porté par une vitesse de croisière parfois hallucinante.

Bref, comme le suggérait humoristiquement Pichennette, «La danse des évêques» est un «tunirapatecoucher. »

Alors, la prochaine fois que vous fréquenterez votre librairie préférée, lecteur boulimique et curieux, il ne faut pas hésiter à regarder dans les rayonnages de côté, région éloignée des îlots de nouveautés et à se payer une découverte qui en vaut la peine.

Dan Brown n’a plus besoin de votre argent; certains auteurs, comme André K. Baby, ont besoin de lecteurs.

Au plaisir de la découverte.
Bonne lecture !

Richard,
Polar Noir et blanc : http://lecturederichard.over-blog.com/

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 La danse des évêques
André K. Baby
Marcel Broquet La nouvelle édition
2010
404 pages

 Le roman est disponible à la Librairie du Québec à Paris