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03/06/2011

Entretien avec Nicolas Sker

Après la lecture et la critique de son livre le premier crâne, Bruno a souhaité avoir un entretien avec Nicolas Sker, qui a accepté pour Un Polar de se prêter au jeu des questions/réponses.

Bruno. Quel a été ton cheminement littéraire, celui qui t’a conduit un jour à prendre la plume pour écrire un roman ?

 Nicolas Sker. L’envie de raconter des histoires. Je pense que c’est avec la musique, le point commun à tous les hommes depuis toujours et que ça le restera jusqu’à la fin. Pourquoi ? Parce que raconter une histoire, c’est créer de l’immortalité. Ca existe quelque part là en toi et ailleurs et ça n’a aucune limite temporelle, géographique et surtout émotionnelle.

 Bruno. Cela a-t-il était difficile pour toi de te faire éditer à l’occasion de ce premier roman ?

 Nicolas Sker.  J’en ai écrit deux autres avant qui ont tous les deux été refusés. Cela fait donc 10 ans que j’écris. Pour le Premier Crâne, l’histoire a été pleine de rebondissements. Un premier petit éditeur l’a repéré. Il a aimé le concept de l’histoire. Mais à la fin du premier entretien, au cours duquel il a passé une heure à me dire tout ce qui n’allait pas, j’ai dû lui demander ce qui lui avait plu. Il m’a répondu qu’on en reparlerait quand j’aurais amélioré le manuscrit. On a travaillé pendant un an. C’était prêt à sortir….et puis il a déposé le bilan. Mais comme ce monsieur était un homme très bien, il m’a dit « Ton bouquin mérite un plus gros éditeur que moi, je vais t’aider ». Il m’a donné quelques conseils pour bien le présenter à de grandes maisons et Michel Lafon a dit oui.

 Bruno. « Premier crâne » est donc ton premier roman ? Comment t’es venu l’idée de cette histoire ?

 Nicolas Sker.  Par une peur. On nous dit toujours que l’univers a commencé avec le Big Bang. Mais avant il y avait quoi ? Personne au monde ne sait répondre. Je ne supportais pas cet abysse d’inconnu. L’idée du premier crâne est donc née de cette obsession : et si un jour on trouvait la réponse à cette énigme sous nos pieds et non pas dans le ciel ?

 Bruno. Comment vis t- on le jour J quand son 1er roman sort enfin chez les libraires ? Raconte-nous un peu cette journée si spéciale pour un jeune auteur ?

 Nicolas Sker.  En fait le meilleur moment, c’est quand un éditeur te dit oui. Pour le coup, ça ressemble au big bang. Tout l’univers que tu as crée pendant toutes ces années a le droit d’exister. C’est une satisfaction immense. Tu as envie de remercier tout le monde dans la rue. Mais le jour de la sortie, en fait, il ne se passe rien. Tu es chez toi et tu sais juste que le livre est en rayon. Evidemment tu vas te balader incognito et tu te demandes pourquoi les gens ne dont pas déjà la queue devant les magasins pour se l’arracher ;-). Pourquoi cette personne passe devant ton livre sans jeter dessus, se ruer à la caisse et rentrer chez elle pour lire en oubliant femme et enfants.

 Bruno. De quelles influences littéraires te revendiques-tu ?

 Nicolas Sker.  « De la littérature des séries TV américaines. » pour le rythme, le mystère et les cliffanghers. Des biographies et essais scientifiques pour le fond.

 Bruno. A la lecture de ton roman il semble que celui-ci soit resté très longtemps en gestation, qu’il ait bouillonné dans ton esprit et que lorsque tu as enfin pris la plume, c’est un flot de mots qui a jailli sur les pages dans un torrent d’idées furieuses. Est-ce cela qui donne cette impression de vitesse effrénée à ton livre ?

 Nicolas Sker.  Non, ça ne vient pas de là. La mise en place a été très longue aussi. Et rien ne s’est fait facilement. Le roman a été écrit, réécrit, démontés, remontés à plusieurs reprises. Non, le rythme vient d’une vraie volonté. Je déteste les livres ou les films qui te promettent une super histoire pleine de mystère et qui te baratinent avec les goûts culinaires du héros, sa relation avec son garagiste, son enfance malheureuse et son mal de vivre. Je veux que dans chaque page on parle de la promesse originelle du roman. Qu’à chaque page on soit tendu vers le mystère, la résolution d’énigme. Qu’à chaque page on prenne du plaisir et qu’on ne se dise pas : je dois me taper ce chapitre de blabla et après ça redeviendra bien.

 Bruno. Pourtant tu dois avoir pas mal de lecteurs cardiaques ! Tu n’as pas peur d’en perdre en route avec un rythme pareil ?

 Nicolas Sker.  Comme pour les jeux vidéo, je songerai à mettre un avertissement pour les épileptiques la prochaine fois.

 

Bruno. Tu travailles dans le milieu télévisuel me semble t’il. En quoi ton activité professionnelle a pu influencer ou apporter quelque chose à ton écriture ?

Nicolas Sker.  Dans mon métier, on passe son temps à ne chercher qu’une chose « tout faire pour éviter le zapping ». Je pense que mon écriture est imprégnée de cette volonté.

 Bruno. Explique t’elle aussi par exemple le fait que tu ais privilégié davantage l’action à l’épaisseur psychologique de tes personnages ?

 Nicolas Sker.  Tu mets le doigt sur la plus grande difficulté du thriller selon moi. Faire exister des personnages quand l’intrigue est si forte. Dans ce genre de roman, les personnages sont dans une urgence et l’histoire a tendance à les écraser. Il est donc très difficile de prendre du temps pour leur donner une épaisseur psychologique totalement satisfaisante. La plupart des auteurs font le choix de la caricature. J’ai essayé de ne pas y céder. Pour l’anecdote, le livre faisait 300 pages de plus au départ, dont la plupart développait la complexité de Marcus, Evannah et surtout de Henri (qui avait un rôle bien plus ambiguë et déroutant). Mais le tempo n’était pas bon. Et puis sache que pour un premier roman (surtout thriller), un éditeur te demande généralement de ne pas dépasser les 300 pages pour ne pas effrayer les lecteurs. Je m’y prendrai autrement pour le prochain.

 Bruno. Ton roman prend le monde comme terrain de jeu et flirte parfois avec le fantastique ! Un trait de caractère des jeunes auteurs de thriller français que de ne pas avoir froid aux yeux ?

 Nicolas Sker. Ce n’est pas vraiment du fantastique. Plus de la fiction basée sur de la science. Je n’aime pas le fantastique gratuit parce que le lecteur ne peut jamais se dire « ça, ce n’est pas possible donc la solution doit être ailleurs ». Le fantastique en soi autorise trop de fantaisie et de facilité.

 Bruno. Justement quel regard porte tu sur le thriller français ? Penses tu qu’il y ait une french touch en la matière, et si oui en quoi ?

 Nicolas Sker.  Je pense que le principal défaut des thrillers américains, c’est de nous coller des pages entières de scènes d’action. Il me semble que le thriller français prend plus en considération la finesse des personnages et la densité de l’intrigue.

 Bruno. Immanquablement, à te lire, on ne peut s’empêcher e repenser à Dan Brown. Outre son succès en termes de vente, celui-ci avait aussi défrayé la chronique avec ses théories historiques fumeuses qu’il présentait comme fondées et qui ont fait long feux sous les fourches caudines des historiens. Ne crains tu pas de faire l’objet du même type de suspicion du fait de ce précédent ?

Nicolas Sker.  Dan Brown devrait être remerciée par tous les auteurs de thriller. On aime ou pas, il a relancé le marché comme jamais. Ensuite, j’ai passé 2 ans à faire des recherches historiques et scientifiques avec l’obsession de tout vérifier pour que le lecteur puisse se dire « je lis et j’apprends vraiment un truc que j’ignorais ». La bibliographie à la fin du roman est la preuve de ce souci. Allez-y, je vous attends !

 Bruno. A la fin de ton roman tu indiques d’ailleurs des sources bibliographiques importantes. Parmi ces sources se trouvent un ouvrage des frères Bogdanov. Bien connus dans l’univers télévisuel, ils le sont tout autant dans le milieu scientifique dans lequel ils sont passablement décriés pour leurs travaux jugés approximatifs. Là aussi, celui ne risque t’il pas de relativiser la qualité de ton travail de recherche ? N’y avait-il pas meilleur spécialiste pour parler du Bing Bang ?

 Nicolas Sker.  Je suis bien au courant des réserves qui entourent les écrits des frères Bogdanov mais leur livre n’a pas été une source scientifique. Il a été pour moi une source d’inspiration. Les Bogdanov ont ce talent d’oser dire « Et si ? ». Bref d’ouvrir la pensée scientifique à tous les possibles. Ils fonctionnent comme des excitants de la pensée créatrice.

 Bruno. La fin de ton roman est surprenante ! Penses tu que l’homme est définitivement prisonnier de ses croyances ?

 Nicolas Sker.  Oui. Dans l’esprit de l’athéisme, André Comte-Sponville écrit que chez l’homme le désir de croyance est supérieur à celui de liberté. C’est parfait.

 Bruno. As-tu déjà l’idée de ton prochain roman ? Peut être y travailles tu déjà dessus ? Tu peux nous en dire quelques mots ?

 Nicolas Sker.  Oui. J’y travaille en ce moment même. Pas encore.

 Bruno. Quel est le dernier roman que tu aies lu ?

 Nicolas Sker.  Jeanne d’Arc, le Stratagème.

 Bruno.  Nicolas SKER, en un livre, un film, une musique ( ou album) ce serait?

 Nicolas Sker.  Le Nom de la Rose.