23/10/2019
Une famille presque normale, de M.T. Edvardsson (En Helt Vanlig Familj)
Une chronique de Cassiopée
Faille temporelle…
C’est un des espaces temps indéfinissables où on ne sait pas tout à fait ce qu’il s’est passé mais où tout a basculé, définitivement. A partir de là, le cauchemar apparaît, enfle, prend toute la place et plus rien n’est pareil….
Adam est pasteur dans l’église suédoise, Ulrika, son épouse, est avocate. Leur fille, Stella, dix-neuf ans, est une adolescente de son temps, peu docile, souvent rebelle mais, semble-t-il, respectueuse et aimante. Un jour, le téléphone sonne, Stella a été arrêtée pour le meurtre d’un homme. Que s’est-il passé ? Le connaissait-elle ? S’agit-il d’une monstrueuse erreur judiciaire ou de tout autre chose ?
« Nous étions une famille tout à fait normale, puis tout a basculé. Il faut longtemps pour construire une vie, mais un instant pour la détruire. »
Ce roman, hormis un prologue et un épilogue, se divise en trois parties distinctes : Le père, la fille, la mère. Chacun s’exprimant en disant « je » et en revisitant leur vie jusqu’à l’assassinat. Bien sûr, il faudra les trois vues des mêmes situations pour cerner tous les enjeux, les choix qui ont été faits et comprendre …. A travers le regard des parents, on découvre que la jeune accusée a toujours eu des difficultés à gérer ses émotions, qu’elle était dominatrice à l’école, ne supportait pas l’échec et que, surtout, elle est, encore maintenant, totalement imprévisible. Lorsque c’est Stella qui prend la parole, on voit combien l’attitude de ses parents a pu être un poids, combien l’obligation d’être une « enfant parfaite » est difficile, douloureuse…. Sa meilleure amie, Amina est très différente d’elle. Son père est musulman, sa mère est athée, elle n’a pas baigné dans la religion comme sa copine. Elle a le sens du devoir et accepte de faire certaines choses sans discuter, ni protester, contrairement à sa compagne qui veut continuellement des justificatifs. Pourtant leur lien est fort, et va au-delà de tout. Les deux couples de parents se côtoient, notamment par le club de hand des filles.
Il est intéressant d’avoir des regards croisés sur le quotidien de cette famille. Les travers, les dissensions apparaissent alors qu’en apparence, c’était la famille idéale, normale (mais qu’est-ce que la normalité ?), presque parfaite…. Les différents « rédacteurs » ont une perception des choses qui leur est propre, une interprétation liée à ce qu’ils sont, mais également à leur vécu et au rôle qu’ils ont eu dans les faits relatés. C’est vraiment captivant. De plus l’auteur a réussi à adapter le phrasé et le vocabulaire à chaque protagoniste. Le Père, pater familias qui se veut sage, posé, « voit » ce qu’il vit à travers le prisme de l’Eglise. Il irait presque jusqu’à essayer de comprendre pourquoi « Dieu » a agi ainsi. Il ne perd pas de vue qu’il se doit, en tant que père, de protéger sa fille, envers et contre tout. La mère, du fait de sa profession de juriste, est beaucoup plus pragmatique, elle analyse, raisonne et procède en réfléchissant aux conséquences de chacun de ses actes. Stella, et bien comme le dit si bien Amina :
« Stella n’est pas comme toi et moi, Stella ne ressemble qu’à Stella. »
C’est un feu follet, attachante, peut-être même « attachiante » ;- )
Ce recueil aborde de nombreux thèmes, notamment sur les sentiments, la force de l’amour et jusqu’où on peut repousser nos limites pour ceux qu’on aime. Il présente également le fonctionnement de la justice suédoise (qui n’est pas le même que nous) et bien sûr, la part de l’éducation, le poids des non-dits dans les familles. On s’aperçoit que quelques fois, tout se sait, mais chacun choisit le silence pour se protéger ou protéger les autres ?
Je n’ai pas vu le temps passer pendant cette lecture, j’ai tout de suite accroché et je n’avais qu’une hâte, avancer vite plus vite pour tout savoir, tout comprendre. Le style est prenant, c’est parfaitement traduit et on s’attend tout le temps à une révélation supplémentaire qui apportera un éclairage de plus. La fin est vraiment réussie, bien travaillée. Un auteur suédois de plus à suivre …
Traduit du suédois par Rémi Cassaigne
Éditions : Sonatine (24 Octobre 2019)
570 pages
Quatrième de couverture
Faites connaissance avec la famille Sandell. Le père, Adam, est un pasteur respecté dans la petite ville de Lund, en Suède. Sa femme, Ulrika est une brillante avocate. Leur fille, Stella, dix-neuf ans, s'apprête à quitter le foyer pour un road trip en Asie du Sud-Est. C'est une famille normale, une famille comme les autres. Christopher Olsen est retrouvé assassiné. Quelques jours plus tard la police vient arrêter Stella. Il ne peut s'agir que d'une erreur judiciaire.
19:07 Publié dans 03. polars nordiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |