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12/06/2012

Parjures, de Gilles Vincent (chronique 1)

parjures.jpgUne chronique de Jacques.

Que la recherche de la vérité par l’enquêteur – comme par le lecteur –  soit toujours au centre du dispositif du genre littéraire polar,  ce roman l’illustre  parfaitement, tout comme il peut aussi pleinement justifier la célèbre question de Paul Claudel : « est-ce que la vérité n'a pas dix-sept enveloppes comme les oignons ? ».

Enfin, n’exagérons pas : il n’y a pas dans l’histoire racontée par Gilles Vincent dix-sept vérités emboitées comme des pelures d’oignon, mais enfin… l’esprit y est. Et le récit est mené avec suffisamment de maitrise pour nous surprendre ( ô combien !) une dernière fois,  après que l’enquêtrice, Aïcha Sadia, commissaire de police à Marseille, a enlevé la dernière pelure.

Aïcha Sadia qui, depuis la disparition près d’une plage de  son compagnon, peut-être noyé en mer, ne retrouve pas  gout à la vie et se lance à corps perdu dans son travail de flic. Un travail qu’elle partageait aussi avec lui, comme tant d’autres choses, et qu’elle effectue  maintenant avec d’autres que lui, Théo, Camorra et les autres flics de l’équipe...

Heureusement pour Aïcha, ce boulot de flic est un éternel recommencement : plusieurs anciens prisonniers, condamnés pour des crimes horribles, puis normalement libérés après plusieurs années de détention, sont retrouvés décapités. Exécutés comme au temps de la guillotine, façon de dire qu’ils méritaient la mort… Et voila qu’Abdel Charif, autre ancien détenu accusé d’avoir  torturé et exécuté une vieille femme et qui a été gracié et libéré, se sort par miracle d’un enlèvement qui l’aurait sans doute conduit à être lui aussi proprement raccourci. Cette erreur des criminels mettra-t-elle Aïcha  sur leur piste ?

Jusque là, il n’y a aucun mystère pour le lecteur : par la grâce de l’auteur, nous savons d’emblée qui  sont ces criminels, clairement identifiés et nommés. Le mystère est ailleurs : dans  la disparition de Sébastien, que tous ses collègues considèrent comme mort – mais pas Aïcha – disparition qui semble être mêlée aux deux affaires en cours, celle des exécuteurs et celle du meurtre de la vieille femme, imputé à Charif.

L’enquête progresse rapidement, sans temps mort. Lecteur, je démêle  tous les fils croisés des hypothèses en même temps que l’enquêtrice et je me félicite de constater que ma sagacité (vérifiée pour les histoires policières, dans la vraie vie, c’est autre chose ) est une nouvelle fois au rendez-vous. Au final, je comprends qu’il y a erreur sur toute la ligne. L’auteur a concocté une intrigue si diabolique que  ma   supposée sagacité s’y est  proprement cassé les dents (car oui, je vous le confirme, la sagacité peut avoir des dents). Le mécanisme subtil mis en place par Gilles Vincent pour tromper le lecteur s’emboîte parfaitement jusqu’au dénouement final, au moment où la dernière peau de l’oignon est enfin retirée par la commissaire, pour notre plus grande satisfaction.

Si l’intrigue mise en place par l’auteur est parfaitement réglée, les personnages de cette histoire sont eux, plutôt attachants et bien campés. En particulier celui d’Aïcha, femme amoureuse brisée par la disparition de celui qu’elle aime, qui tente de surmonter son désarroi et sa douleur en ayant une relation amoureuse avec son collègue Théo, une relation mise en mots par l’auteur avec retenue, pudeur et émotion.

« Elle se rappela l’instant où, après avoir posé son verre sur le tapis, il avait tendu le bras vers elle, lui avait doucement glissé une mèche derrière l’oreille. Un geste tendre, comme parfois les hommes en accordent aux fleurs. C’est ce geste, ce mouvement infiniment doux de la main, elle le sait, qui avait fait d’un coup s’effondrer la digue ».

Pas de mièvrerie néanmoins dans cette histoire. L’écriture est nerveuse, efficace, les dialogues s’inscrivent dans la tonalité de chaque personnage. L’enquête se conjugue avec des scènes d’action qui font monter la tension du récit et accrochent le lecteur. Le final du livre est à la hauteur, qui reprend les classiques du polar anglo-saxon des années cinquante ( un compliment pour moi) en prenant le temps de décortiquer pour le lecteur les tenants et les aboutissants des méandres de l’intrigue.

La ville de Marseille dans laquelle, comme presque toujours dans les polars des éditions Jigal, le récit se déroule (il faut bien qu’il se passe quelque part) est simplement présente en arrière-plan, l’auteur ne cherchant pas à faire dans un régionalisme qui pourrait être pénible pour certains lecteurs.

Gilles Vincent nous propose  là un très bon polar, bien écrit, solide, bien structuré. De la belle ouvrage, en somme.

Jacques, (lectures et chroniques)


Chronique de Christine sur Parjures

Parjures
Gilles Vincent
Editions Jigal (15 mai 2012)
Collection Jigal Polar
208 pages
16,50 €