26/06/2012
Alex, de Pierre Lemaitre (chronique 4)
ALEX de Pierre Lemaitre : un grand polar Frenchy aussi glaçant que poignant
Une chronique d’Astrid.
Alex est belle, sa silhouette tâtonnant entre embonpoint et sveltesse est une invitation au désir. Alex a les yeux de toutes les couleurs, Alex est blonde, brune ou rousse. Fatale, enivrante, elle brouille les pistes et sacre Pierre Lemaitre roi incontesté du roman noir Made in France. Après une indigestion de thrillers chirurgicaux venus des Fjords, quelle jubilation de retrouver la plume viscérale de l’auteur de Cadres noirs qui pour ce nouvel opus se surpasse et nous offre à lire un polar aussi éblouissant que intense émotionnellement. En premier lieu, Alex est un roman admirablement construit ; une architecture sans parasites dont devrait s’inspirer bien des romanciers en quête de boussole narrative. Pas de mauvais assemblage chez Pierre Lemaitre qui mène son lecteur par le bout du nez de la première à la dernière page. Mais, Alex est aussi et avant tout une grande histoire. Définitivement, Pierre Lemaitre s’impose comme un sculpteur de notre triste monde, un Giacometti des mots sachant donner forme aux destins tragiques des exclus de la vie en rose.
Tout commence par l’enlèvement plus qu’étrange en plein Paris d’une ravissante jeune femme : Alex. Disparition mystérieuse à laquelle va se confronter l’inénarrable commissaire Camille Verhoeven. En dépit d’une taille minuscule et d’une cicatrice intérieure plus haute que lui, le commissaire enquêtera avec opiniâtreté sur cette disparition qui n’est pas sans lui rappeler celle non résolue de sa propre femme. Comment retrouver une jeune femme dont personne ne signale la disparition ? Il faudra tout le talent de ce policier portraitiste de l’âme pour suivre pas à pas celle qui a choisi de se faire oublier et de présenter au monde le visage d’une autre. Séquestrée dans une cage, humiliée, violentée, livrée aux rats, c’est une Alex combative et mordante face à son geôlier qui se dessine devant les yeux d’un lecteur déjà accro au suspense ambiant. Une Alex faite d’acier et de brulures de l’âme qui au fil des pages se muera en une bête féroce menant la vie dure à Verhoeven et son équipe. Que cache la démence hallucinée d’Alex ? Nait-on meurtrière ou le meurtre est-il la seule rédemption possible ?
Superbement dialogué, captivant au point qu’on en oublie le monde autour de soi et le déluge automnal de juin, Alex est mon coup de cœur polar de cet été se faisant prier. Immersion glaçante dans la cruauté sans limites de l’homme, Alex pose aussi la question de la légitimité de certains meurtres dont les victimes ne sont que des diables promis aux seules punitions de l’enfer. Plus noirs que noirs, les mots de Lemaitre versent leurs larmes amères sur l’enfance piétinée, l’enfance abolie au-delà de toute mesure. Nulle résilience au pays sans Candy de Pierre Lemaitre.
Si un cœur un tant soit peu irrigué bat encore en vous, alors vous tomberez d’accord avec l’analyse implacable de cet auteur discret qui n’a pas à rougir d’être français et peut engager un bras de fer d’obscurité avec son génial confrère anglo-saxon R J ELLORY. Seul le silence pourra les départager.
Astrid Manfredi (laisse parler les filles)
A lire, les trois autres chroniques que nous avons publiées sur ce remarquable roman :
Alex,
Auteur : Pierre Lemaitre
Nombre de pages : 397
Editions : Albin Michel, 2011
Prix France : 20,20 euros
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