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26/07/2011

Frontière blanche, de Matti Rönkä

frontiereblanche.jpgUne chronique de Bruno

 Si cet écrivain est encore inconnu pour la plupart des lecteurs français, il n’en va pas de même dans son pays d’origine et en Scandinavie, où depuis plusieurs années maintenant Matti RONKÄ fait partie des auteurs finlandais à succès. Né en Carélie, cette région disputée par l’histoire, à cheval entre la Russie et la Finlande, Matti RONKÄ a d’abord été rédacteur en chef et présentateur d’un journal télévisé avant de basculer dans l’écriture.

 A ce jour il est l’auteur de cinq romans qui ont tous rencontré le succès. Doté d’un humour grinçant, il dresse à travers ses livres un portrait sans concession de la société finlandaise.

 « Frontière blanche » est son premier roman. Auréolé des prix « finlandais de littérature policière » et « du Key Glass Award » récompensant le meilleur roman policier nordique, il est aujourd’hui publié en France aux éditions L’ARCHIPEL.

 Ancien agent du KGB, Viktor Kärppä a quitté sa Russie natale pour s’installer en Finlande où l’opulence occidentale attire comme un aimant les populations pauvres de la Carélie russe. Oubliant son passé, il fait office de détective privé et vivote de ce boulot tout en arrondissant ses fins de mois en rendant de menus services à des mafieux locaux, jouant pour eux les coursiers peu regardant pour récupérer de l’autre côté de la frontière des documents, de l’alcool ou des cigarettes. Parfois, il joue même les indics pour la police locale. Viktor est un homme qui ne s’embarrasse pas de moral.

Quand un certain Aarne Larsson, libraire de son état ,fait appel à ses services pour retrouver son épouse Sirje qui a disparue, l’énigme n’a visiblement rien de bien extraordinaire pour Viktor, habitué aux histoires d’ adultères, de divorce, aux filatures et autre petites histoires de cet acabit.

 Cependant, en découvrant que la disparue n’est autre que la sœur d’un dangereux mafieux estonien, Viktor soupçonne très vite que son enquête va l’emmener sur un terrain mouvant sur lequel il n’a pas forcément envie de s’aventurer.

 Aussi, lorsque ce frère lui tombe sur le râble et le passe à tabac pour le contraindre d’arrêter de fouiner sur cette histoire, ll en a une percutante confirmation !

 Mais quand en plus l’ex KGB se manifeste pour lui rappeler son passé et exiger de reprendredu service, que ses « connaissances » mafieuses le sollicitent pour une histoire de cargaison de cigarettes volées, que la Police le marque à la culotte , Viktor n’a qu’une solution : mener à bien son enquête pour sortir de cette nasse qui se referme sur lui.

 « Frontière blanche » n’est pas un roman explosif, truffé d’actions et de scènes spectaculaires. Pas de poursuite en voiture, de coups de feu qui déchirent la nuit. C’est un roman qui ne fait pas grand bruit, tout au plus celui d’un pas dans la neige. Mais c’est un roman passionnant tant il est marqué par la région dans laquelle l’action se situe, et cette frontière qu’il porte en titre.

 La Carélie, cette région scandinave jetée en pâture à l’histoire, convoitée par les finlandais et par les russes, pour finalement sortir écartelée entre les deux pays à la fin de la guerre, avec cette frontière comme ligne de partage.

Carrefour baltique, terre d’échanges avec la Russie et l’Estonie, derrière ses forêts de pins et ses lacs endormis, cette région ne pouvait que devenir une terre de trafics en tout genre, et le temps que dura le rideau de fer, le théâtre privilégié de la guerre froide.

 Et au milieu, cette frontière, qui rend cette région orpheline d’elle même. Ce trait sur une carte qui se perd et se confond dans la neige hivernale, qui sépare les hommes d’une même terre, et marque symboliquement la ligne de partage entre la richesse occidentale et la pauvreté de ceux qui ont eu la malchance d’être du mauvais. Une frontière qui malgré le temps n’arrive pas à briser le lien qui unie cette population de part et d’autre.

 Mais une frontière aussi comme un fil de funambule, où le héro essaye de se tenir en équilibre entre sa nouvelle vie en Finlande où se trouve l’amour qu’il y a rencontré, et de l’autre ses racines, sa mère et son frère restés en Russie. Un jeu d’équilibriste où l’identité de Viktor devient floue, insaisissable, comme l’esquisse d’une vie au trait jamais définitif. Celle d’un homme qui n’arrive pas à trouver sa place.

 Matti RONKÄ est un auteur de l’émotion intérieure, du ressenti. Il dresse le portrait d’un personnage qui n’attend rien de particulier de la vie, et qui pose sur ses semblables et la société dans laquelle il vit, un regard lucide et résigné.

Un roman sobre, qui porte en lui un certain spleen et qui offre une lecture originale d’une région méconnue jusqu’ici.

Le blog de Bruno : http://passion-polar.over-blog.com/

A lire : l'article de Jacques sur le même roman