04/05/2013
"J'ai fait comme elle a dit", de Pascal Thiriet
Une chronique de Paco
Dans ce premier roman de Pascal Thiriet, nous rencontrons deux personnages totalement déjantés; relativement dangereux car déjantés; à mourir de rire aussi, car... déjantés, que nous allons suivre à travers l'Europe, dans une fuite rocambolesque. Ces deux personnages se prénomment Pierre et Sahaa; pas vraiment un couple, mais deux êtres qui s'apprécient de temps en temps, qui baisent ensemble aussi de temps en temps, avec d'autres également, mais qui s'aiment sans doute, en tout cas à leur manière.
Pierre, notre narrateur au teint méditerranéen, aimant la bonne chair sous toutes ses formes, ses âges et ses statuts sociaux, est un jeune homme qui a tendance à vivre au jour le jo;r, sans trop se poser de questions. Sahaa, son amie - voir un peu plus que ça -, est une jeune femme hors normes de type asiatique tout droit sortie d'un manga. Provocante, sexy, manipulatrice; une tigresse qui maintient une grande emprise sur un Pierre qui ne semble pas vraiment détester ça.
Sahaa, qui avait coupé les ponts avec Pierre pour se tirer avec un autre, revient un jour vers lui pour lui demander de l'aide, ou plutôt exiger de l'aide. Sahaa, qui a passé quelques temps avec un physicien - encore un autre - détient la clé d'un coffre-fort contenant un lourd secret, une découverte scientifique pouvant provoquer le chaos dans le monde. En fait, pour être plus précis, Sahaa est la clé car elle la détient dans ses gênes; Sahaa est une bio-clé. Un choix contre de l'argent.
Ces deux personnes n'auront pas d'autres choix que de prendre la fuite, des tueurs étant prêts à prendre tous les risques pour éliminer Sahaa, mais aussi Pierre dans la foulée, un "simple" dommage collatéral. Cette débandade, qui va nous conduire en Belgique, en Allemagne, mais aussi à Venise et à Zurich, en Suisse, va tourner au burlesque ce qui, bien évidemment, semble être le but de l'auteur.
Quelques cadavres resteront enfouis dans le sillon laissé par le passage de nos deux amoureux, tels des Bonnie and Clyde des temps modernes, mais qui tuent ici par nécessité, en tout cas sur le fond, peut-être un peu moins sur la forme... Comme dans "Tom et Jerry", la souris poursuivie se retrouvera parfois derrière le chat pour chasser à son tour. La chasse est ouverte et tous les coups sont permis, d'un côté comme de l'autre.
L'écriture de Thiriet, dès les premières pages, nous donnent clairement le ton et nous savons que nous irons dans une direction où l'aspect comique et cocasse se mêleront au tragique et à la violence. Je ne veux pas dire par là que c'est légèrement violent, mais plutôt que l'auteur donne de la légèreté - dans le ton - à la violence qui est tout de même assez extrême par moment.
L'auteur donne à la violence, à la déchéance, une sorte de normalité effarante et c'est peut-être ce côté-là qui m'a plu dans cette histoire. Le rythme ne change pas vraiment mais le récit monte tout de même en puissance par l'apparition de faits relativement graves, mais tel que cela est raconté, ces faits restent relativement normaux, voir carrément banals. Pour donner une image; imaginez des séquences d'une atrocité inouïe sur une musique de fond tranquille, calmante, tel un beau morceau de musique classique, et le tout au ralenti. Une manière originale, je le conçois, d'exprimer la brutalité.
Alors oui, Pascal Thiriet, c'est très prometteur. Son écriture mêlant humour subtile, dialogues et propos d'une répartie sans précédant, répliques vives et d'une grande spontanéité, nous donne une sacrée claque qui nous réveille d'un coup et nous donne rapidement le sourire. Mais, pour ma part, le dosage n'est pas encore bon et j'ai subi une sorte de saturation au bout d'un moment. Je m'attendais à un changement de ton qui pour moi devenait essentiel. C'est une écriture très spontanée, c'est vrai, très vivante, c'est vrai aussi, mais il manque de la consistance à l'histoire, et cela c'est vrai aussi.
L'intrigue n'a rien d'extraordinaire - j'imagine d'ailleurs que ce n'est pas de ce côté-là que l'auteur a placé sa priorité, enfin j'espère - et c'est sur les personnages, leurs interactions qu'il faut se focaliser. C'est bien sûr ce que j'ai fait mais je dois admettre qu'au bout d'un moment, cette légèreté, ce côté sarcastique et ironique devient un peu pesant et indigeste.
Pour conclure, j'avoue ne pas avoir croché jusqu'au bout, mais il ne faut pas oublier que j'ai utilisé un terme très important dans ma chronique, celui de prometteur. Ce premier roman de Pascal Thiriet manque de rythme, les personnages méritent un peu plus d'épaisseur, mais pour ce qui est de l'écriture, Thiriet s'en sort plutôt très bien, ne manquant pas une occasion pour placer son humour subtil, ses tournures habiles, fines et retorses.
Petit détail encore, pour la forme; concernant la partie se déroulant à Zurich, en Suisse, attention aux petites erreurs que je vais imputer à Pierre, le narrateur, et non à l'auteur. Par exemple, Pierre, le suisse n'est pas une langue. ;-)
J'attends avec impatience le prochain Thiriet; prometteur j'ai dit!
Bonne lecture
Paco (passion romans)
"J'ai fait comme elle a dit",
Pascal Thiriet
Editions Jigal, 2013
229 pages
06:13 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |