23/05/2013
Mémoires funestes, de Johann Moulin.
Une chronique de Paul.
La question qui tue : Un policier doit-il se préoccuper de son collègue qui vient de déguster un pruneau mais ne le digère pas, ou doit-il poursuivre l’agresseur qui détale ?
Une semaine que la migraine assiège le crâne de Stanislas Montclair, plus familièrement appelé Stan. Une semaine à se trainer de la chambre au salon, à regarder la télé en fond sonore sans vraiment voir les images, à essayer de lire, ne répondant pas au téléphone ou si peu. Il est seul, sa femme Suzanne étant absente, son travail de commerciale pour une marque de cosmétique l’obligeant à sa déplacer souvent et assez longtemps. Ils sont mariés depuis trois ans mais leur union bat de l’aile.
Enfin, le soir du 1er avril, le mal de crâne s’efface comme les nuages chassés par le vent, laissant un ciel bleu uniforme. La secrétaire de son patron l’informe qu’il doit se déplacer le surlendemain à Paris pour régler une affaire à Paris.
Le lendemain, il vaque, reprenant ses habitudes, buvant peut-être un peu trop, et décide de sortir la nuit tombée. Il aperçoit deux braqueurs essayant de forcer la portière d’une voiture et les interpelle. Ceux-ci prennent de haut son intervention mais Stan se déchaine et les tabasse.
Le lendemain matin, dans le train qui le mène d’Amiens à Paris, un voyageur s’installe près de lui et il jette un coup d’œil au journal du passager. Une manchette attire son regard : Deux hommes retrouvés noyés dans la Somme. Il a tué deux hommes la veille au soir et il ne s’en souvenait pas ! Mais il sait que maintenant des policiers sont à ses trousses.
A peu près au même moment où Stan était assailli pas sa crise migraineuse, Yvan Danvers est arrêté chez lui en banlieue sud de Paris. Il a une gueule de bois carabinée et sur le sol de son salon une femme gît, une flaque rouge autour de la tête. Il est arraisonné par Costume Gris qui l’emmène dans une unité de détention. Il reprend brusquement ses esprits tandis que Stan, son forfait accompli, sombre dans un sommeil profond. Yvan est interné.
Le docteur Provick est spécialiste en comportement. Il étudie et définit l’origine de certaines maladies, la schizophrénie et la paranoïa entre autres. Il travaille dans une unité privée, en coordination avec son confrère le docteur Vanutti, grâce à des fonds alloués par un organisme privé lui laissant tous pouvoirs.
Alors qu’il compulse le dossier d’un patient, il est appelé au téléphone par Damien Nivale, un jeune flic de vingt-neuf ans, qui travaille à l’ancienne, comme son père lui-même policier tué lors d’une arrestation mouvementée. Nivale souhaite que Provick parle avec Yvan Danvers, mais lui parle seulement. Danvers est un tueur, un assassin sans remords, recherché depuis deux ans et qui vient enfin d’être arrêté.
Le commandant Simon Corda, alias Costume gris, observe Yvan Danvers à travers une glace sans tain. Il assiste à son réveil puis l’interroge. Danvers a mal à la tête et ne se souvient de rien. Il ne connait que son nom. Mais dans son crâne une petite voix lui parle, lui ordonne de se rendre en certains endroits.
Un peu plus tard, Danvers est comme sous l’influence d’un démon intérieur. Il parvient à s’évader, laissant quelques morts sur place mais n’omettant pas de s’emparer de l’arme à feu d’un des gardiens. Il se rend à Paris, se dirigeant là où la petite voix lui demande de se rendre.
Après un nouveau meurtre dans le métro, un imbécile qui se croyait tout permis en fumant sur le quai, Danvers s’installe à la terrasse d’un café et comme s’ils s’étaient donnés rendez-vous, Yvan Danvers et Stan se retrouvent face à face.
Damien Nivale ne décolère pas. Il est détaché auprès de Simon Corda, le responsable d’une unité en marge des services habituels de la police. Corda qui était le collègue, l’équipier de son père et qui avait laissé mourir celui-ci en prenant Stan en chasse deux ans auparavant. Yvan qui avait tiré sur son père, lequel était décédé alors que si Corda était resté près de lui, appelant les secours et lui prodiguant les premiers soins, Damien ne serait pas devenu orphelin. Stan est lui aussi activement recherché car ses empreintes digitales ont été retrouvées sur une photo retrouvée dans la voiture fracturée. Et Corda est aussi anxieux par cette découverte que par la fuite d’Yvan.
Une course poursuite effrénée s’engage entre les deux meurtriers, qui n’en sont pas à leur coup d’essai, et les policiers, Corda en tête assisté de Daguet, ancien militaire et d’autres hommes choisis sur le volet, et Nivale qui n’oublie pas ce les événements antérieurs.
Peu à peu on entre dans cette histoire comme dans un banc de brouillard qui peu à peu s’effiloche. Tout prend forme et l’on remonte le passé, les méfaits de Stan et Yvan, le parcours chaotique qui les a amené à fréquenter les docteurs Vanutti et Provick, le rôle joué par ces deux spécialistes de la psychanalyste et des maladies mentales, ces savants qui essaient de nouvelles thérapies. D’Amiens aux environs de Laon, en passant par Paris et la banlieue parisienne, on suit ce parcours chaotique et semé de cadavres, dans une ambiance angoissante, proche du thriller façon Hitchcock, pour sombrer peu à peu dans le cauchemar.
Les réminiscences sont nombreuses, apportant des éclairages sur certaines actions, motivations et pensées, mais ne se dévoilent que par fragments extirpés parfois comme des images fulgurantes. Quatre hommes plus quelques comparses qui évoluent comme dans une hallucination provoquée par un jeu malsain de manipulations.
Johann Moulin écrit peu, mais ses romans sont travaillés, l’intrigue est fouillée de même que ses personnages. Mais il ne les jette pas en pâture dès les premières pages. Il faut avancer, sortir de l’ombre peu à peu pour que tout s’éclaire à la plus grande satisfaction du lecteur, qui repensera longtemps à tous ces protagonistes plus ou moins perdus dans les limbes d’une fracture mentale. Sauf peut-être Damien Nivale qui veut devenir écrivain et possède au moins un sujet en or dans l’accomplissement de toutes ces péripéties.
Le lecteur retrouvera dans ce roman le personnage du docteur Provick, qui figure dans L’Irlandais de Brighton, paru en 2010 dans la même collection.
Paul (Les lectures de l'oncle Paul)
Mémoires funestes.
Johann MOULIN
Collections Polar en nord n°129.
Editions Ravet-Anceau.
256 pages. 11€.
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