19/05/2013
Noir Linceul, de Mikhaïl W. Ramseier (chronique 1)
Une chronique de Catherine.
Une sale histoire...
De Mikhaïl W. Ramseier, je ne savais pratiquement rien avant d'ouvrir Noir Linceul. Le site de son éditeur québecois, Coups de tête, explique que Ramseier est né à Genève d'une famille d'origine russe, qu'il a pubié ses premiers poèmes à 17 ans, exercé de nombreux métiers et fait le tour du monde, avec une étape à Katmandou où il enseigne le français, en Mongolie où il est voyagiste, en Afrique du Sud et en Syrie, afin de se poser dans une île des Caraïbes. Plutôt sympathique, somme toute. Noir Linceul est son douzième livre, et ce roman se déroule presqu'entièrement à Saint-Pierre et Miquelon, contrée qui, allez savoir pourquoi, m'a toujours fascinée. Raison de plus pour aller plus loin et attaquer la lecture du roman.
Côté ton, c'est plutôt en roue libre. Argot, expressions québecoises, Ramseier ne s'embarrasse pas de fioritures et pond des dialogues plus vrais que nature entre des personnages qui oscillent entre l'anar, le truculent et le fragile. Zelda est une trentenaire suisse, graphiste indépendante, qui vit à Genève et qui est en pleine crise professionnelle et personnelle. Elle a bien du mal à se faire payer, son client principal bat de l'aile, bref il est temps de faire le point. C'est à ce moment-là qu'elle tombe sur Alexandrine, une jeune femme particulièrement paumée qui a la mauvaise idée de se faire violer en bas du studio où Zelda travaille avec son patron, tard le soir. Zelda aide Alexandrine, la soigne et retourne vite à son projet : elle vient de répondre à l'annonce d'une agence de pub de Saint-Pierre qui recherche une graphiste, et l'idée commence à prendre forme. Pour une remise en question, c'en est une : Saint-Pierre, ça n'est pas précisément le premier endroit auquel on pense pour prendre un nouvel envol professionnel... C'est loin, tout petit, froid, il n'y a pas grand-monde. Mais finalement, ça lui convient bien à Zelda. D'autant qu'Alexandrine commence à devenir collante. Finalement, tout va très vite : en route pour Saint-Pierre. Très vite, elle prend ses marques et se lie d'amitié avec les "exilés" du coin : Hyacinthe le Québecois et son deuil secret, Auguste le Suisse en burnout, la drôle de famille française qui s'occupe de l'hôtel Le Consul. Bien sûr, un jour, un grain de sable vient enrayer cette belle machinerie...
Inutile de chercher dans Noir Linceul l'intrigue qui tue, le suspense qui tient en haleine. Ramseier, il est plutôt du genre observateur de l'humanité. Ce qui est son droit le plus strict. Comme c'est mon droit le plus strict d'avaler de travers en lisant certains de ses dialogues pseudo-philosophiques. Quand il met dans la bouche de son héroïne Zelda, celle à qui on s'est attaché depuis le début du roman, des propos que même Frigide Barjot n'oserait pas tenir, tout à coup, on n'a plus le cœur à rien. Et quand quelques dizaines de pages plus tard, c'est Hyacinthe qui développe une théorie sur l'esclavage et les victimes consentantes, là ça devient franchement insupportable. Je cite :
"- Disons que j'ai appris une chose, dans la vie, c'est que ce sont pas tant les bourreaux, qui sont dangereux, que toutes ces victimes qui sont consentantes.
- Comment tu peux dire une chose pareille? Alors Hitler était moins dangereux que les juifs qui se sont soi-disant laissés faire?
- Oui. Parce que sans elles, sans ces victimes qui ont accepté, Hitler n'aurait jamais pu faire ce qu'il a fait. Ce qui n'enlève rien, évidemment, à l'horreur qu'elles ont vécue."
Évidemment... Alors, me direz-vous, c'est le personnage qui parle. Oui, mais dans les deux occurrences l'interlocuteur qui donne la réplique a des arguments tellement minables que c'est comme s'il n'existait pas. Cette facilité qui consiste à mettre dans la bouche de personnages des idées nauséabondes et de répondre : "C'est pas moi, c'est lui", non vraiment... Autant on peut passer sur les - nombreuses - digressions sur le monde d'aujourd'hui, la lâcheté humaine, les méfaits de l'internet et du téléphone portable en les mettant sur le compte d'un certain réalisme. En effet, il suffit d'aller boire un café au bistrot du coin pour entendre la même chose. Autant... trop, c'est trop.
Bref, j'ai le sentiment d'avoir été flouée par un auteur à la biographie intéressante, et de me retrouver finalement avec un livre dont les seules pages que je retiendrai sont celles qui décrivent, plutôt bien, l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon.
Catherine/Velda (le blog du polar)
Mikhaïl W. Ramseier - Noir linceul - éditions Coups de tête
10:38 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |