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Bistouri Blues, de Kleinmann et Vinson

bistouri_blues.jpgUne chronique de Christine.

Nous sommes toujours avides d’informations, de « bons tuyaux » que l’on s’échange presque sous le manteau.

Cela va de l’adresse du salon de coiffure branché à celle du petit primeur qui choisit  ses melons exclusivement chez les producteurs de Cavaillon. De l’école maternelle qui transformera votre petit dernier en futur Einstein à la kinésithérapeute aux doigts de fée.

Ou du garagiste très pro et pas cher du tout, pas comme ce concessionnaire qui vous arnaque pour la moindre vidange.

Ou du médecin qui saura rassurer l’hypocondriaque que vous êtes sans vous envoyer illico enfiler une blouse blanche à longues manches.

Parce que la santé, c’est sacré !

En général…

 Vous savez, capitaine, la médecine c’est un peu comme une enquête policière, un petit indice peut parfois donner la solution…

  Un vol à main armée dans une banque, rien de que très banal.

Mais un braquage au pistolet harpon, dans une salle d’opération, et par un homme grenouille ! … avouez que même dans vos rêves les plus fous vous n’y auriez jamais pensé.

Pourtant c’est ce qui vient de se produire à l’hôpital Lariboisière, et le docteur Benjamin Chopski n’en revient toujours pas d’avoir dû remettre sous la menace la vésicule biliaire en très mauvais état qu’il était en train d’enlever.

Le commissariat du 18e charge le capitaine Cush Dibbeth de mener l’enquête. Cela tombe bien, Cush et Benjamin se connaissent depuis longtemps. Même s’ils évoluent dans des univers très différents, leur peu de goût pour les conventions et leur passion pour leur travail ont cimenté solidement une amitié de longue date.

Se demandant ce qui pourrait bien justifier le vol d’un organe normalement destiné à la destruction, Cush Dibbeth essaie de découvrir s’il y a eu des précédents. Et à sa grande surprise, oui !

Des individus opérés en urgence. Provenant pour la plupart d’Éthiopie ou du Pakistan. Tous tatoués d’un mystérieux BM en bas du dos. Des organes qui disparaissent. Ou qui révèlent, lorsqu’on en retrouve la trace, un contenu n’ayant rien à voir avec les manuels de physiologie.

Des chirurgiens qui se fréquentent via les séminaires et colloques internationaux, étroitement liés à un organisme humanitaire apparemment au-dessus de tout soupçon.

Et une carte géographique sur laquelle on peut cercler de rouge Moscou, Kaboul, Karachi ou encore Djibouti.

Il y a de quoi se poser quelques questions, non ?

L’aide éclairée de Benjamin ne sera pas de trop dans une enquête dont les éléments ressemblent à un inventaire à la Prévert : une vésicule, une poudre blanche, un origami, un transsexuel, des chats, un jus de banane-mangue. Liste non exhaustive, bien sûr.
 Et le raton-laveur ? Ma foi, il blanchit l’argent d’un drôle de trafic international plus proche du terrorisme que du serment d’Hippocrate…

  « C’est sûrement à toi de couper le gigot…tu es chirurgien, non ? » Benjamin entendait cette rengaine à chaque repas. Ça l’énervait. Il détestait couper le gigot. « Désolé mais moi, je ne charcute que les humaines et vivants, encore ! »…

  Voilà un petit livre qui démarre sur les chapeaux de roue et qui ne connaît aucun temps mort. Entre la galerie de personnages tous plus décalés les uns que les autres, l’enquête menée tambour battant par Cush Dibbeth et son lieutenant, ou les découvertes surprenantes, tout va vite, très vite. Entrez et sortez des salles d’opération, participez aux colloques, parcourez différents manuels d’urgences abdominales ou de diagnostics, interrogez médecins ou infirmiers, le tout entre deux pliages d’origami ou deux morceaux de jazz.

L’écriture à quatre mains par Philippe Kleinmann et Sigolène Vinson est fluide, nerveuse, et donne un style jubilatoire et énergique. On sent bien que les deux auteurs ont pris un grand plaisir à la rédaction, donnant libre cours aux clins d’œil ou traits d’humour à l’enthousiasme communicatif, ou à quelques uns de leurs éléments de prédilection. (ahhh, la revue Ciel et Espace… que l’on retrouve d’ailleurs dans  Double hélice  ! Mais ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres.)

Entre l’Éthiopie chère à l’une, et la médecine, terrain de jeu préféré de l’autre, le mélange des deux donne un résultat hybride qui fonctionne ma foi très bien.

Personnages savoureux (Cush Dibbeth au prénom de fier guerrier éthiopien qui fera sourire les nostalgiques d’Hugo Pratt, variation sur les Dupont-Dupond, j’en passe et non des moindres, la liste serait d’ailleurs intéressante à faire) intrigue trépidante et atypique, situations cocasses, autant d’éléments pleins de tonus et d’imagination qui ont tout pour séduire les lecteurs.

Quant aux passages en salle d’opération, ils allient le sérieux d’un professionnel passionné par son métier, et l’humour du carabin. Après tout, nous ne sommes qu’alliage de pièces détachées à bricoler avec toute la rigueur (et le flegme pince-sans-rire) qui se doit !

Pourquoi parler maintenant de ce petit livre paru en 2007 ?

Parce qu’il a reçu le prix du roman d’aventure, d’une part.

Parce que la suite paraîtra prochainement d’autre part et qu’il serait vraiment dommage de ne pas avoir fait au préalable connaissance avec cet improbable et merveilleux tandem que forment Cush Dibbeth et Benjamin Chopski.

« Bistouri Blues » … il y a peut-être « blues » dans le titre, mais voilà un roman sympathique qui n’engendre certainement pas la morosité !

 

  Christine, (Blog : Bibliofractale )

Bistouri blues
Kleinmann&Vinson
Le Masque
252 p
6,20 €

 

 

 

 

 

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02/05/2012 | Lien permanent

Double hélice, de Kleinmann et Vinson

doublehelice.jpgUne chronique de Christine

Sur la longue route qui vous a amenés exactement ici, et tels que vous êtes, il y a, en y regardant bien, foule de petits détails en forme de commutateur. Position « on » ou « off », ou « pile « ou « face » si vous voulez.

Pourquoi telle décision ? Qu’auriez vous pu faire d’autre ?

Avouez, mes chatons, qu’il vous arrivé au moins une fois dans votre merveilleuse vie pleine de rebondissements de penser « Que ce serait-il passé si… ? »

Si vous pouviez retourner sur vos pas, ou même plus en arrière dans le temps, sachant ce que vous savez… Aucune tentation ?

Même pas celle d’acheter toutes les actions « Pomme » le jour de leur lancement sur le marché ?

Ou d’aller, juste pour rire, juste pour le plaisir, dire à Christophe Colomb que « Non, non, par-là, c’est pas la bonne direction » ?

 11 ans. Cela fait 11 ans que Joshua Lenostre, chirurgien brillant et membre de l’équipe « Cancer et génétique » a disparu dans l’incendie qui a ravagé son laboratoire à l’Institut Curie. Dans cet incendie criminel, un de ses collaborateurs a également péri après une blessure par balle, et tous les éléments permettant de reproduire l’expérience débouchant sur une avancée majeure dans le traitement du cancer ont été cambriolés.

Samuel Lenostre, son fils, reçoit le 23 juin, lendemain du jour de son 23ème anniversaire et peu de temps avant la soutenance de sa thèse en biotechnologie un courrier de Maître Elsa Ricci, notaire à Venise. Elle l’invite à venir chercher des documents importants déposés à son attention, pour cette date très précise, depuis plusieurs centaines d’années !

Accompagné d’une lettre bien étrange, apparemment aussi ancienne, dont tous les détails semblent indiquer que l’auteur pourrait être Joshua…

Comment cela pourrait-il être possible ?
Samuel se fait agresser alors qu’il est en route pour Venise, et les documents sont remis à quelqu’un ayant usurpé son identité.

La capitaine Hugo Gottlieb est chargé d’enquêter sur l’agression, et il ne peut s’empêcher de penser qu’il y a un lien entre celle-ci et les travaux de Samuel, dans la droite lignée de ceux de son père. Travaux qui ont fait et font donc encore l’objet de convoitises féroces. Ce qui va l’amener très rapidement à se replonger dans un dossier classé : celui de la mort de Joshua Lenostre.

Samuel, quant à lui, rencontre Elsa Ricci. Tout a été prévu, il y a des centaines d’années, au cas où un incident se produirait, et Samuel va pouvoir tenir entre ses mains un opuscule titré « Voyage à Gène », un journal intime rédigé entre 1512 et 1566.

Tandis que l’enquête contemporaine progresse peu à peu, Samuel se plonge dans la lecture de l’histoire d’un homme parti de rien, et qui a côtoyé les grands noms de son époque, avant d’en devenir un lui-même.

Un homme ayant laissé à son intention un héritage sous forme de jeu de piste.

« Le hasard n’existe pas ».

 "Tu sais, remarqua Arthur, c'est en de tels moments (...) que je regrette de ne pas avoir écouté ce que me disait ma mère quand j'étais petit.
- Eh bien, que te disait-elle ?
- Je ne sais pas. J'ai pas écouté. »

 Voilà un livre qui ne manque pas d’arguments pour séduire !

Tout d’abord, une intrigue policière, plutôt réussie. Un homme qui disparaît, un fils en quête du père, et en quête d’un héritage dont on comprend vite la capacité à déchaîner les passions : la possibilité, grâce aux biotechnologies, d’insérer dans les chromosomes humains des séquences de gènes pouvant modifier l’expression de cellules cancéreuses. La possibilité de guérison ! Le capitaine Gottlieb, personnage atypique et attachant, mène son enquête auprès des anciens collaborateurs de Joshua Lenostre et sa curiosité permet au lecteur de le suivre pas à pas.

Une partie historique passionnante ! Le journal de cet inconnu permet une incursion dans la France du XVIe siècle, époque où l’on guérissait les malades avec forces saignées ou prières. Avec des personnages fascinants tels que Copernic, Rabelais, Leonardo da Vinci, entre autres ! croisés le long de sa route.

Oui, une histoire d’amitiés, de passions, d’amour de la science et de la transmission de celle-ci. C’est terriblement prenant, instructif sans jamais être pesant, et très astucieux !

À signaler tout de même car c’est un point qui ne peut me laisser indifférente : la partie scientifique comme la partie historique sont remarquables de précision.

De ces deux récits en alternance, monte une tension qui va crescendo car la curiosité est doublement titillée : qui est ce mystérieux narrateur semant des indices destinés à un jeune homme du 21e siècle ? Et Samuel retrouvera-t-il son père, ou au moins, l’héritage de ce dernier ?

Les personnages sont nombreux, bien décrits, vivants.

C’est un roman à la construction précise, foisonnant, prenant du début jusqu'à l'ultime et savoureuse pirouette historique, vraiment très agréable, et que je recommande vivement.

 

La culture, c’est la base… *

*« L’art du bon bouillon » ; Alex & Sander Fleming

** « Le guide (du routard) galactique » ; Douglas Adams

 Christine, (Blog : Bibliofractale )

 

Double hélice
Philippe KLEINMANN et Sigolène VINSON
Éditions du Masque
411 pages ; 17,50 euros

 Pour lire un entretien avec les auteurs, et l’excellente chronique de Jacques qui m’a donné envie de lire « Double hélice » à mon tour : 

 http://unpolar.hautetfort.com/archive/2011/04/21/entretie...

 http://unpolar.hautetfort.com/archive/2011/04/21/entretien-avec-philippe-kleinmann-et-sigolene-vinson.html

 

 

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22/06/2011 | Lien permanent

Double hélice, de Kleinmann et Vinson

doublehelice.jpgUne chronique de Jacques

Après Bistouri blues qui s’est vu décerner le prix du roman d’aventures 2007, Kleinmann et Vinson signent ici leur deuxième roman, toujours aux éditions du Masque. Il s’agit d’un roman volontairement inclassable, mêlant tout à la fois aventure,  science fiction, polar  et roman scientifique d’une façon échevelée et habile.

Le point de départ de nos deux auteurs est simple : ils reprennent la vieille idée du voyage vers le passé. La complexité de leur récit vient de la façon dont ils utilisent ce procédé de « retour vers le passé ». Ils ont en effet un triple objectif : nous faire voyager  entre le début de la renaissance et notre époque en créant ainsi un effet déstabilisateur aussi  dépaysant que stimulant ;  nous apporter une somme de connaissances précises, aussi bien historiques que scientifiques (essentiellement médicales, mais pas seulement) ; inscrire la trame « policière » du roman dans une longue durée (cinq siècles), ce qui la rend pour le lecteur plus difficile  à démêler et même simplement à suivre. Autrement dit, ils veulent divertir et amuser tout en apportant des connaissances.

Ils s’inscrivent ainsi dans la lignée d’Umberto Eco et de son polar médiéval le nom de la rose. Alors que Eco apportait aux lecteurs curieux une somme de connaissances précises sur la philosophie, la théologie et l’histoire du Moyen-âge, Kleinmann et Vinson utilisent  leurs savoirs scientifiques et historiques, en particulier  sur  l’histoire des sciences de la Renaissance à nos jours, comme un des fils conducteurs essentiels du roman. C’est ce procédé parfaitement mis en œuvre qui avait valu un tel succès au premier roman d’Umberto Eco.

Puisqu’il y a  une forte proportion de lecteurs qui sont demandeurs de ce genre là, se sont (peut-être) dit Kleinmann et Vinson, offrons leur ce qu’ils attendent.  Plus facile à dire qu’à faire : il suffit de se souvenir d’un autre roman d’Umberto Eco  le pendule de Foucault , qui utilisait le même principe que  le nom de la rose, mais dont le résultat n’était pas à la hauteur du premier. Trop de longueurs, des fiches de lectures mal digérées, incorporées de façon maladroite à la trame romanesque. Le résultat a été un roman plutôt ennuyeux, pour ne pas dire franchement raté, que seul  l’immense succès du livre précédent a sauvé (commercialement parlant).

Comment  Kleinmann et Vinson se sont donc sortis  de leur projet ambitieux ?

Tout d’abord ils ont eu l’astuce de choisir comme héros de l’histoire un personnage de grand chirurgien et scientifique de notre époque, Joshua Adam Lenostre. Celui-ci a disparu dans un incendie criminel dans lequel un de ses collègues est mort. Ils faisaient des recherches sur les liens entre la génétique et le cancer,  étaient sur le point de découvrir un procédé de séquençage du génome qui aurait permis des avancées considérables dans la guérison de la maladie. Le lecteur comprend que la double hélice du titre est celle de l’ADN, qui est au cœur de la partie scientifique du roman. Il apprend aussi que Joshua n’est pas mort dans l’incendie mais a été mystérieusement transporté à une autre époque, au tout début du XVI ième  siècle.  Il va y écrire un journal que son fils Samuel, étudiant en  biotechnologie,  va être amené à lire cinq siècles plus tard. Joshua, scientifique de haut niveau, va pouvoir faire bénéficier la Renaissance de nos connaissances actuelles.  Il va aussi rencontrer les plus grands scientifiques et médecins de son temps : Ambroise Paré, Paracelse, François Rabelais, Léonard de Vinci… tous sont là, présents dans le roman, et partagent leurs savoirs avec nous pendant que Joshua tente de leur inculquer ceux de notre époque.

Remarquable traité de vulgarisation scientifique, le roman aborde de façon précise, amusante et simple, toutes les grandes avancées de la médecine et de la biologie. Et parce qu’il faut bien s’amuser un peu (on sent que c’est la motivation principale des auteurs), le lecteur découvrira comment certains   des progrès scientifiques d’antan  seront en réalité initiées par Joshua. Ce que les livres d’histoire nous avaient soigneusement caché jusqu’à aujourd’hui.

Le roman alterne entre  époque contemporaine, dans laquelle Samuel, aidé par le sympathique commissaire Hugo Gotlieb, tente de comprendre les causes de la disparition de son père (véritable enquête policière qui va amener, classiquement, à la découverte du coupable à la fin du roman), et les années 1512/1566.  Les auteurs réussissent à combiner très habilement l’intrigue policière avec une documentation impressionnante sur la médecine  dans les années 1500.  Le livre est  riche d’informations scientifiques et culturelles diverses et  le suspense est maintenu tout le long de l’histoire : de ce point de vue, la réussite est totale.

Le foisonnement des personnages et des situations,  qui constitue  une des forces  du roman, représente  parfois un handicap pour la lecture : il y a tant de personnages que certains d’entre eux sont présentés de façon superficielle, trop rapide. Il y a tant d’évènements divers que le lecteur en a parfois le tournis.

Mais le résultat final est tout de même une vraie réussite. Le lecteur ne s’ennuie pas une minute. Les  aspects documentation, enquête policière et  aventure, s’intriquent d’une façon remarquablement fluide.

La chute de Double hélice,  plus précisément sa dernière phrase, ne constitue pas une surprise pour le lecteur. A votre avis, sous quel nom  de personnage célèbre du début  de la Renaissance, Joshua Adam Lenostre, qui connait parfaitement les évènements des cinq cents années à venir, pourrait-il être connu de nos jours ? Je suis sûr que vous brûlez… Mais ce clin d’œil au lecteur est amusant et sympathique, tout comme l’ensemble de ce livre, qui allie les fantaisies  d’une imagination débridée à une grande cohérence  dans le scénario.

 

Présentation de l'éditeur

Le lendemain de ses vingt-trois ans, Samuel, étudiant en biotechnologie, reçoit un pli en provenance d’une étude de notaires italiens. A l’intérieur, une lettre de son père, le docteur Joshua Adam Lenostre, qui lui donne rendez-vous dans les bureaux de Maître Ricci à Venise.

 Premier signe de vie de ce chirurgien, mort devant ses yeux d’enfant, onze ans plus tôt lors de l’incendie de son laboratoire de recherche de l’Institut Curie. Le laboratoire était alors à l’aube d’une découverte thérapeutique majeure. Samuel Lenostre, intrigué, se rend à Venise où Maître Ricci lui remet un opuscule intitulé « Voyage à Gênes ». Son père semble être l’auteur de ce journal intime qui relate le quotidien d’un médecin du 21ème siècle projeté à la fin du Moyen Âge, à l’époque d’Ambroise Paré et de Paracelse.

 Comment survivre à l’aube de la Renaissance avec simplement ses connaissances et ses deux mains ? Comment protéger sa famille d’un criminel prêt à tuer pour un brevet ? Comment aimer ses enfants de si loin ? Comment faire quand le temps presse et que l’on n’a que cinq siècles devant soi… 
Entre les lignes de ce texte incongru et auquel personne ne donne foi, Samuel Lenostre, épaulé par sa sœur Julie et le policier Hugo Gottlieb, va suivre la piste qui mènera à son père, au traitement révolutionnaire du cancer et au criminel à l’origine du drame.

 L’enquête se révélera particulièrement ardue car le mal et la cupidité suivent évidemment le même chemin

  • Poche: 414 pages
  • Editeur : Le Masque (20 avril 2011)
  • Prix : 17,50 €

 

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Entretien avec Philippe Kleinmann et Sigolène Vinson.

Un Polar a eu un entretien avec  Philippe Kleinmann et Sigolène Vinson, les deux auteurs de  l'excellent roman Double hélice. Vous trouverez ICI une critique de ce roman.

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Un Polar :  Double hélice est un roman dans lequel trame policière, mystères et aventures sont mêlés à une grande érudition scientifique. Quand vous avez fait ce choix, aviez-vous en tête des références romanesques, et si oui, lesquelles ?

 Sigolène Vinson : L’idée du roman vient à la base de Philippe Kleinmann. Il est d’ailleurs à l’origine de toutes les histoires que nous écrivons ensemble. Une fois que nous nous sommes mis au travail, j’ai lu plusieurs romans « de genre », notamment d’auteurs américains et pour n’en citer que deux, « le huit » de Katherine Neville et « Prisonniers du temps » de Michael Crichton. Sinon, bien évidemment, et vous l’avez relevé, il y a un peu du « Nom de la Rose » d’Umberto Eco, les visites dans les monastères et le personnage du prêtre inquisiteur viennent sûrement de là. Et puis, parce que je l’aime beaucoup, nous avons fait quelques références à Victor Hugo. L’île de la cité telle que je la vois est celle décrite dans « Notre dame ». Ah et puis aussi, « l’échelle de Darwin » de Greg Bear. Tant d’autres encore.

Philippe Kleinmann : L’idée initiale était simple : comment un homme qui possède son seul savoir pour bagage, peut-il survivre en milieu hostile ? Comment peut-il survivre et aider sa famille qui est en danger ? Enfin comment aider sa famille quand cinq siècles vous en sépare. Cette trame romanesque vient sûrement de mon amour pour la littérature d’intrigue : les Misérables, Monte-Cristo, Robinson Crusoe et plus récemment John carter, Asimov ou Farmer dans un style différent. Ce livre résulte de mes lectures accumulées depuis ma jeunesse et de mes études scientifiques dont chaque découverte vaut bien un roman.

Un Polar : Cet intérêt pour la période de la fin du Moyen-Âge et du début de la Renaissance vous était-il commun, au début de l’écriture de ce roman ? Ou bien l’un des deux a-t-il entraîné l’autre dans sa passion ?

 PK :  Le Moyen-Âge m’était inconnu au début de l’aventure « double hélice ». Sur le plan historique, la renaissance a marqué le début de la pensée scientifique basée sur des faits et des expériences. Cette période était propice à l’arrivée d’une pensée moderne, celle de Joshua, d’où ce choix.

 SV : Je pense que nous n’avions ni l’un ni l’autre de passion particulière pour l’histoire médiévale. Il est vrai qu’aujourd’hui, je suis auditrice au Louvre et que je me passionne pour les peintres de la Renaissance… mais à l’époque de l’élaboration du roman, c’était une matière que je ne dominais pas particulièrement. Nous avons été obligés de nous documenter.

 Un Polar : Le « voyage à Gênes » écrit par le personnage de Joshua, est une véritable histoire dans l’histoire. Vous auriez d’ailleurs pu écrire un livre uniquement avec cette idée-là, qui était très riche pour le lecteur, puisqu’elle consistait à mettre en parallèle les connaissances médicales et, plus largement, scientifiques, entre le début de la Renaissance et notre époque. Avez-vous écrit le « Voyage à Gênes » en tout premier ? Ou bien avez-vous mêlé, dès le début, les deux histoires, celle de Samuel, Julie et Hugo, avec celle de Joshua, selon un scénario soigneusement écrit à l’avance ?

 SV : Philippe Kleinmann a dès le début, dans la construction du plan détaillé, mêlé les deux époques. Le scénario était donc soigneusement écrit à l’avance et par ses soins. Ensuite, dans l’écriture, il se peut (je ne m’en souviens plus très bien pour tout dire) que nous nous soyons plus attardés sur l’une des deux. Au départ, pour ma part, j’affectionnais tout particulièrement « le voyage à Gênes » et j’y ai mis beaucoup de cœur. Mais en retravaillant les chapitres « présent » sur les conseils de notre éditrice, Hélène Bihery, j’y ai trouvé pas mal de plaisir. Moi qui ne suis pas scientifique, j’ai vraiment apprécié de tenter de comprendre les principes de base de la génétique. Et ensuite, dans un souci de cohérence, de rattacher dans la construction même du récit, les événements actuels aux événements passés. Une bonne gymnastique intellectuelle.

 PK :  Effectivement, les deux histoires étaient mêlées dès le début. Chaque livre raconte à sa façon une aventure scientifique. L’incroyable unicité du vivant a travers l’ADN qui est commun de la plus petite bactérie à la baleine via les pauvres humains. « Voyage à gênes » évoque les progrès de la médecine à travers les âges. Mais la science ne sert qu’à alimenter l’intrigue qui reste le fil conducteur du livre.

Un Polar : Comment avez-vous travaillé pour réunir la documentation scientifique et historique (que je suppose volumineuse) sur le XVIsiècle ? Ce travail de documentation a-t-il été antérieur au début de l’écriture du roman ?

PK : Le travail de documentation a duré presque deux ans. La documentation sur le moyen âge a été la plus difficile. Comprendre cette époque, comment les gens vivaient, comment était Paris ou la campagne, afin d‘asseoir l’histoire dans un milieu plausible. Pour le versant scientifique, les longues années d’étude nécessaires à l’exercice de la chirurgie, ont fait que la documentation était présente dans mon esprit. Je dois bien sûr remercier les précieux conseils que m’ont prodigués généticiens ainsi que les tailleurs de pierre. Gens passionnés par leur travail.

 SV : Encore une fois, Philippe Kleinmann, avant que nous nous mettions à écrire, avait des cartons entiers de documentation, ça allait des revues « Ciel et Espace » aux revues médicales. Pour le côté scientifique, il y avait beaucoup de sa tête et de ses mains puisqu’il est chirurgien. Pour l’histoire, nous avons acheté des revues spécialisées, des bouquins, un DVD également qui présentait le Paris moyenâgeux en 3D. Philippe a rencontré une tailleuse de pierre qui travaillait à la restauration de la Tour Saint-Jacques, il a eu le droit d’emprunter l’escalier de ce monument qui a priori ne se visite pas. Pour ma part, je me suis rendue à Salon de Provence où j’ai pris un grand nombre de photos, des plaques de notaires aux fontaines. Je suis allée visiter le musée dédié « à vous savez qui » (j’ai l’impression de faire du Harry Potter là !), j’en ai rapporté des recettes de simples et de confitures et quelques prédictions aussi ! Pour le village de Ménerbes qui est important pour l’intrigue, je l’ai trouvé par internet, j’ai dû inscrire dans le moteur de recherche « village, Provence, moyen-âge » et c’est lui qui est sorti en premier. En voyant les photos, j’ai dit « bingo ». Philippe s’est ensuite rendu sur place pour reconnaître les lieux. Plein de petits ou de gros trucs comme ça…

 Un Polar :  Le « scénario » du roman est très sophistiqué. Comment avez-vous procédé ? Par une idée de base et des discussions entre vous deux qui l’ont progressivement enrichi ? Ou bien l’un des deux s’est-il plus particulièrement attaché au scénario, et l’autre à l’écriture ?

 SV : Je vais me répéter et j’en suis désolée : Philippe Kleinmann est à l’origine de l’histoire. Néanmoins, une fois que c’est parti, et là je parle de l’écriture même, le scénario bouge puisque j’y mets ma patte. Certains personnages appartiennent à Philippe, d’autres à moi. On a comme ça nos petites préférences et du coup ça influe sur la trame du roman. De la même manière, en passant à l’écriture, certaines incohérences ou faiblesse du scénario se révèlent et alors, c’est reparti pour un nouveau plan détaillé, un nouveau plan d’attaque. Au final, ça fait un vrai livre écrit à deux.

 PK :  comme Sigolène Vinson l’a écrit, le début c’est une intrigue avec un début et une fin et un scénario. Ensuite l’aventure commence, l’écriture. Les personnages apparaissent comme les émanations de l’un ou de l’autre. La structure même de l’histoire change par l’imagination de chacun de nous. Nos deux imaginaires sont différents mais se complètent. Libre a nous, ensuite, de supprimer ou d’accepter le chemin sur lequel nous nous sommes engagés avec nos personnages. La force d’écrire a deux c’est l’union de deux pensées différentes mais complémentaires. Ne cherchez pas ce qui est Kleinmann ou ce qui est Vinson, double Hélice, n’est pas un clafoutis, c’est une salade de fruits, bien mélangée !!!

Un Polar : À la fin du roman, la séquence ADN découverte par les protagonistes de l’histoire, qui doit permettre la guérison du cancer, est abandonnée au service public et l’état décide de gérer lui-même les conséquences financières et sanitaires de ce remède. Est-ce crédible dans une société comme la nôtre, dans laquelle l’argent est roi ? Plus généralement, quel est votre point de vue sur la brevetabilité du vivant ?

PK : La technologie comme une machine est brevetable, car elle repose sur des techniques crée par l’homme. La connaissance fondamentale me semble n’appartenir a personne, sinon a l’humanité. Pour parler précisément du code génétique que la nature a mis des millions d’années à faire évoluer, il ne doit pas être brevetable, il doit être à la disposition de tous les scientifiques. Cette pensée est peut être utopique mais il me semble difficile de dire que le gène codant pour l’hémoglobine puisse appartenir a quelqu’un !!! A contrario, certains hommes ne doivent pas empêcher la recherche parce qu’ils ont peur de l’utilisation perverse que l’on pourrait faire des découvertes. La recherche de la connaissance doit se poursuivre coûte que coûte.

 SV : Oh punaise… je suis quelqu’un d’assez engagé politiquement… en écrivant un roman comme celui-ci, je pensais pouvoir me garder de donner un quelconque avis sur la société ou le monde tel qu’il tourne aujourd’hui… j’ai bien réussi à glisser, à l’insu de Philippe, le mot révolution et à plusieurs reprises, j’ai aussi écrit quelque chose sur la suppression des lits d’hôpitaux… mais le manifeste est encore loin… ce sera pour demain, promis, à la veille du grand soir.

 Sinon, évidemment, l’idée d’un État qui gère les deux brevets découverts par les protagonistes de notre roman semble peu probable. On imagine bien que les laboratoires pharmaceutiques s’arracheraient la découverte. Nous citons d’ailleurs Monsanto et ses OGM. À moins d’imaginer que le cancer devienne cause nationale, une sorte de catastrophe naturelle. De la même façon, la production et la vente d’H2, l’hydrogène, pourraient être contrôlées. En même temps, quand on voit comment s’arrache le baril de pétrole, matière première à l’origine de bien des conflits armés, on se dit que notre épilogue est celui d’un conte de fée, ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants.

 Un Polar :  L’écriture a la réputation d’être une activité plutôt solitaire. Vous avez choisi de la partager. Quels sont les avantages et les inconvénients que représente l’écriture à deux ?

 SV : L’inconvénient : par retour de mail, constater que la plus belle phrase pondue de la journée a été supprimée par votre coauteur, l’horreur ! Il faut peu d’amour-propre pour se lancer dans l’écriture à deux… mais beaucoup de souplesse et d’humour !

 L’avantage : avoir quelque chose à raconter, à partager, faire la somme des imaginaires, se recentrer, se corriger, l’émulation… plein de choses en fait.

 PK :  inconvénient majeur : le coauteur supprime d’un trait le travail d’un week-end en arguant du fait que cela n’apporte rien.

Avantage : L’apport de deux imaginations conjuguées à une analyse immédiate et critique de l’intrigue, de la cohérence des personnages.

Écrire a deux c’est l’école de la tolérance.

Un Polar : Une question plus personnelle. Sigolène Vinson, vous êtes avocate, Philippe Kleinmann vous êtes chirurgien. Quelle est la place de l’écriture par rapport à votre vie professionnelle ? Envisageriez-vous, en cas de succès probable de votre roman, de devenir écrivains à temps plein ?

PK :  Chirurgien n’est pas mon métier, c’est une passion… une passion qui vous prend et ne vous lâche plus. En cas de succès -qu’heureusement pour moi je n’attends pas- j’aimerais simplement opérer moins pour me consacrer à l’écriture de mes autres projets. Mais arrêter totalement la chirurgie cela me semble difficile pour l’instant.

 SV : Pour tout dire, je n’exerce plus. J’ai pris le risque de ne pas attendre le succès, de ne jamais le voir venir J. J’aimerais être écrivain à temps plein. J’ai un livre qui sort chez Plon à la rentrée littéraire,  J’ai déserté le pays des braves. Là pour le coup, on

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Double hélice, de Kleinmann et Vinson (chronique 3)

doublehelice.jpgUne chronique de Cassiopée

Si vous visitez le château de Chambord, vous serez certainement admiratif de l’escalier à double révolution qui se trouve là-bas. Double révolution ou double hélice …

Et si vous vous demandez pourquoi Léonard de Vinci a dessiné un escalier comme ça ; vous pouvez lire le roman de Philippe Kleinmann et Sigolène Vinson. Vous aurez une réponse …

J’ai bien écrit « une » réponse pas « la » réponse ….

En effet, dans ce roman, les auteurs vont habilement mélanger : des vérités historiques et des faits d’histoire revisités à leur manière pour réécrire l’Histoire avec un grand H ainsi que la saga d’une famille, des notions scientifiques (la double hélice de l’ADN), et une enquête policière, le tout sur fond de fiction puisque tout le monde le sait, on ne peut pas encore partir en excursion dans les années écoulées...

Tout ceci avec une construction qui sort de l’ordinaire puisqu’à travers un voyage dans le passé, raconté par le biais d’un journal intime, (remis aux héritiers en 2018), nous aurons un éclairage sur les événements du présent qui sont ainsi parce que le passé « a été ».

Il est d’ailleurs amusant de constater que le voyageur du passé connaissant l’avenir (qui est aussi son passé et son présent (vous suivez ?) pour quand il vivait encore en 2018), se donne les moyens de ne pas transformer ce qu’il sait des situations futures. C’est une gymnastique mentale assez amusante et si vous cherchez des erreurs, sachez que tout est bien pensé, enchaîné, réfléchi. C’est assez impressionnant.

L’alternance présent/Moyen-âge donne un rythme incontestable à ce livre et entraîne le lecteur dans une envie d’avancer au plus vite « pour savoir ». Les personnages sont attachants et leur quête de vérité touchante.

Tous les apports scientifiques sont assez recherchés, sans être trop « poussés », ce qui permet une connaissance correcte de ce qui est présenté. On croise Ambroise Paré et quelques autres qui se trouvent mêler à l’histoire de façon originale.

Les situations historiques où l’on rencontre le « voyageur » ne sont pas toutes vraies mais intelligemment amenées dans un contexte qui, lui, est tout à fait authentique (maladies de l’époque, vie quotidienne etc.) et qui apporte un plus à la lecture.

L’enquête policière est bien menée, mais elle m’a semblé un peu rapide sur la fin. Tout s’est précipité et on pouvait commencer à deviner certaines choses, mais ce n’est qu’un petit défaut.

L’intrigue bâtie sur plusieurs siècles (de la Renaissance à 2018) ainsi que les nombreux protagonistes pourraient par certains côtés, rebuter quelques lecteurs, se disant « Diantre, où m’emmènent-ils ? » ou « Zut, qu’est ce qu’ils veulent ? » suivant l’époque où on se place ;-) Mais les auteurs sont habiles et le nombre de personnages, introduits petit à petit pour ceux du passé, ne gêne en rien la lecture.

L’écriture, à deux mains, (je voudrais bien savoir comment ils s’y prennent) est de très bonne qualité. Pas de temps morts, pas de longueurs, les mots glissent de façon limpide.

De plus, pour ne pas alourdir le contexte (histoire, science suffisent à donner du « sens » au roman), les auteurs ne se sont pas attardés sur une longue étude psychologique des individus présents dans ce livre. C’est une bonne chose. Chacun d’eux se « découvre » au fil des pages, donnant un peu plus de soi pour qu’on apprenne à le connaître sans description inutile maintenant ainsi une vivacité agréable dans le texte.

En conclusion, une très bonne lecture qui ne vous décevra pas.

 Cassiopée

Deux autres chroniques publiées par un polar collectif sur ce roman :

–        celle de Christine

–        celle de Jacques

ainsi que l'entretien que nous avons eu avec les auteurs.

Double hélice, de Kleinmann et Vinson
Poche:
414 pages
Editeur : Le Masque (20 avril 2011)
Prix : 17,50 €

Présentation de l'éditeur

Le lendemain de ses vingt-trois ans, Samuel, étudiant en biotechnologie, reçoit un pli en provenance d’une étude de notaires italiens. A l’intérieur, une lettre de son père, le docteur Joshua Adam Lenostre, qui lui donne rendez-vous dans les bureaux de Maître Ricci à Venise.

Premier signe de vie de ce chirurgien, mort devant ses yeux d’enfant, onze ans plus tôt lors de l’incendie de son laboratoire de recherche de l’Institut Curie. Le laboratoire était alors à l’aube d’une découverte thérapeutique majeure. Samuel Lenostre, intrigué, se rend à Venise où Maître Ricci lui remet un opuscule intitulé « Voyage à Gênes ». Son père semble être l’auteur de ce journal intime qui relate le quotidien d’un médecin du 21ème siècle projeté à la fin du Moyen Âge, à l’époque d’Ambroise Paré et de Paracelse.

Comment survivre à l’aube de la Renaissance avec simplement ses connaissances et ses deux mains ? Comment protéger sa famille d’un criminel prêt à tuer pour un brevet ? Comment aimer ses enfants de si loin ? Comment faire quand le temps presse et que l’on n’a que cinq siècles devant soi…
Entre les lignes de ce texte incongru et auquel personne ne donne foi, Samuel Lenostre, épaulé par sa sœur Julie et le policier Hugo Gottlieb, va suivre la piste qui mènera à son père, au traitement révolutionnaire du cancer et au criminel à l’origine du drame.

L’enquête se révélera particulièrement ardue car le mal et la cupidité suivent évidemment le même chemin.

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04/03/2012 | Lien permanent

J'ai déserté le pays de l'enfance, de Sigolène Vinson

jaidesertelepaysdelenfance.jpgUne chronique de Jacques

Sigolène Vinson a déjà écrit deux bons romans avec Philippe Kleinmann : Bistouri Blues et Double Hélice,  polars historiques ou  polars d’action et de suspense. Avec j’ai déserté le pays de l’enfance elle nous présente un roman beaucoup plus personnel, à la fois court et foisonnant, un roman dont les thèmes s’entrecroisent, se mêlent et se conjuguent dans une grande élégance de style et une évidente subtilité dans la narration.  

Sur la couverture du livre est bien inscrit le mot « roman », et le fait que celui-ci s’apparente au genre de l’autofiction n’est pas d’une grande importance. Après tout,  un romancier, même s’il ne  puise  pas directement dans sa propre vie l’essentiel de sa matière romanesque – comme c’est le cas pour l’autofiction -   marque toujours ses écrits de ses expériences diverses, de sa personnalité, de sa vision du monde, de ses rencontres. Dans ce domaine, tout est affaire de degré et de volonté affirmée d’exprimer clairement (ou non) son choix de romancier. Ici, l’auteur déplace  le curseur vers sa vie passée et présente, ses souvenirs, ses obsessions, ses angoisses et ses projets. Elle en fait un « matériau littéraire » qui parvient, par la grâce de son écriture et l’habileté de sa construction,  à toucher le lecteur, à le pousser vers une réflexion sur son rapport avec sa propre enfance, à le faire s’interroger sur ce qu’il a fait de sa vie, de ses rêves d’enfants, à l’amener à se pencher sur l’abîme qui s’est creusé entre celui qu’il voulait être et celui qu’il est devenu, celui qu’il croit être et celui que les autres voient.

Le premier thème, fortement exprimé, porte sur le rapport à l’enfance.  La narratrice a passé celle-ci  dans la Corne de l’Afrique, à Djibouti, un pays qu’elle a ensuite déserté et dont elle  est restée orpheline. A la suite d’un malaise lié à la fois à des difficultés professionnelles et à un mal être suscité par la société dans laquelle elle vit, aux antipodes de celle qu’elle souhaiterait, elle ressent le besoin incoercible de laisser remonter dans sa mémoire les lieux et les personnages de son enfance.  Ces souvenirs sont mêlés à l’expérience psychiatrique qui survient  après son malaise où elle est envoyée dans un Centre d’accueil  permanent (le Cap),  ils reviennent par vague successives au fil de ses rencontres avec les pensionnaires, les soignants, parfois sa mère.

Le rapport au père – et indirectement à la politique-  est l’autre thème abordé par le roman. Un père auquel elle voue une admiration évidente même si elle reste informulée explicitement. Un père dont les choix politiques passés (Mitterrand en 1981, puis la rupture avec le P.S. après le reniement des choix du programme commun de 1983) ont influencé son propre parcours en encrant ses convictions à la gauche de la gauche et en mettant au cœur de sa vie l’engagement politique et social. Le thème est abordé avec délicatesse, en trompe-l’œil. Le père de la narratrice n’apparaît que rarement mais il est toujours présent dans ses choix de vie,  ses pensées, les difficultés qu’elle rencontre alors que, avocate, elle  a choisi le droit du travail pour pouvoir défendre les salariés et se mettre ainsi en accord avec ses convictions politiques anticapitalistes. Elle vit mal les contradictions qui apparaissent dans l’exercice de son travail entre son désir de défendre les salariés et certaines des affaires dont elle est chargée par ses patrons. Puisqu’il faut bien manger, elle défend parfois des employeurs, et tente dans ce cas de se « racheter par ailleurs ». Ces contradictions entre son travail et ses choix de vie fondamentaux ne sont pas faciles à vivre. Sont-ils à l’origine du malaise qui l’a conduit en psychiatrie ? Y a-t-il une autre cause liée à l’enfance et ce qu’elle peut vivre comme un reniement de celle-ci ? A Djibouti, aux pécheurs de Goddoria si longtemps oubliés, aux multiples détails qui ont forgé son imaginaire de petite fille ? Là se situe le cœur du roman, son objet et la quête de la narratrice, une quête qu’elle tente de résoudre en retournant au pays de son enfance, Djibouti. 

Raccrocher cette histoire si personnelle à des thèmes universels, pouvant toucher tous les lecteurs, était un défi difficile à relever.  Sigolène Vinson y parvient de façon magistrale, en laissant palpiter ses douleurs, ses rêves, ses joies et ses souvenirs enfouis, en parvenant à les faire nôtres à travers son écriture incisive, poétique et drue, en allant chercher sa vérité au plus près de ses mots, de ses descriptions, de ses réflexions. Elle nous prouve, à travers ce court roman et la petite musique lancinante de ses phrases, qu’une véritable romancière est née, capable de faire se rejoindre le particulier et l’universel dans un carrousel incessant et poignant qui mêle souvenirs et projets, rencontres et  regrets, colères et tristesses.

Un  grand roman, qui devrait marquer la rentrée littéraire, une grande voix à découvrir !

A lire également l'entretien avec Sigolène Vinson et Philippe Kleinmann à propos de leur roman Double hélice.

J'ai déserté le pays de l'enfance
Sigolène Vinson
Editions Plon
18 €

Présentation de l'éditeur

Française, la narratrice a passé son enfance en Afrique, à Djibouti. Le pays d Arthur Rimbaud, de Monfreid, celui aussi des Afars, des pêcheurs, des bergers, de la mer et du vent. Plus tard, elle devient avocate à Paris, en droit du travail et se retrouve à défendre des entreprises qui licencient. Jusqu au jour où ses rêves d enfance se rappellent à elle et qu elle s effondre en pleine audience. Elle prend alors conscience de tout ce qu elle a renié depuis qu elle a quitté le pays de son enfance : « Il y a ceux qui visitent ces territoires lointains pour guérir de leur mal-être, combler un goût du romanesque, à l'âge d homme, devenir enfin un homme. Et puis, il y a moi. Moi qui soutiens mordicus y être née, moi qui les ai délaissés pour me rendre malade. Fallait-il qu à trente ans je sois bien intégrée, exerçant un métier qui porte titre, pour en comparaison donner à mon enfance la force d'un ordre essentiel et supérieur, celui d'être. J'étais quelqu'un quand je me perdais dans la contemplation d'un horizon infini, sans bouger le moindre petit doigt, sans cligner de l'oeil. Je ne suis plus personne quand je plaide, quand je prends parti. Dans quel état de désenchantement étais-je pour penser cela ? J'étais à ce point fatiguée que je ne trouvais même plus la force de prononcer la simple phrase : « Je rêve d'autre chose ». [...] J'ai tout ».

 

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