15/05/2011
Mélanges de sangs, de Roger Smith
Une chronique de Richard
Deux mondes, la même horreur !!
«Mélanges de sangs» est un premier roman ... et ça ne paraît pas. Voilà une excellente lecture !
Amateurs de romans noirs, il vous faut découvrir ce nouveau joueur dans le paysage du polar noir. Si le rythme qu’il nous impose dans ce premier roman se confirme, Roger Smith deviendra un auteur incontournable.
Dès les premières pages, l’auteur nous accroche et nous rend dépendant de la suite du récit. C’est très bon, cette histoire est haletante, elle est bien écrite et l’auteur nous la décrit de façon admirable et avec style.
Inguérissable joueur, toujours à poursuivre la chance, criblé de dettes, Jack Burn se fait proposer une participation à un hold-up où on utilise ses compétences en sécurité et en protection. Le vol tourne mal, un policier est tué. Jack Burn s’enfuit des États-Unis avec sa femme et son fils et se retrouve en Afrique du Sud. Il dépose le fruit du vol dans une banque en Suisse et attend le moment propice pour blanchir l’argent.
Un soir, en plein dîner, deux petites crapules, membres de la gang des «Americans», forcent la porte de la maison et agressent sa femme enceinte et son fils. Dans un revirement de situation assez violent, Jack tue les deux agresseurs. Et la cavale devra reprendre.
De l’autre côté de la rue, dans une riche maison en construction, Benny Mongrel, ancien taulard et sur la voie de «guérison sociale» malgré sa grande solitude, observe les événements depuis la terrasse. Vivant seul, il est employé d’une firme de sécurité qui assure la surveillance des chantiers. Après avoir vu ce qui s’est passé, il ne veut surtout s’immiscer dans cette histoire mais les circonstances lui forceront la main.
Tout en bas de ce quartier cossu, au pied de la Montagne de la Table, au sud de la Péninsule du Cap, un policier pourri jusqu’à l’os règne en despote sur les Cape Flats, ghetto pour les Noirs créé pendant l’Apartheid. L’inspecteur Rudi «Gatsby» Barnard hante ce secteur, «capitale mondiale du viol et des assassinats, l’envers de la carte postale touristique du Cap.» Il est obèse, il sent mauvais et n’a aucune morale. Impossible d’aimer une personne (???) comme lui, d’ailleurs tout le monde le craint et le hait ... silencieusement.
Comme une bête sauvage, Rudi Barnard flaire la bonne affaire en découvrant les cadavres des deux voyous et consacre toutes ses énergies à sa Mission divine: éradiquer la vermine de la terre ... par tous les moyens et surtout par des actes d’une cruauté et d’une rare violence. Soutenu par un pasteur de l’Armée de l’Église de Dieu, déjà reconnu coupable de sévices sexuels sur des enfants et par un policier américain prônant les mêmes méthodes de nettoyage, l’inspecteur Barnard commence son enquête, sans subtilités: enlèvement, violence, meurtres, extorsions, harcèlements, menaces, toutes choses pas nécessairement apprises à l’école de police.
Et un quatrième personnage apparaît et vient pimenter cette enquête déjà assez épicée. Disaster Zondi, membre de la police des polices, un enquêteur zoulou (qui m’a rappelé Ali Neuman dans l’extraordinaire «Zulu» de Caryl Férey) qui a dans sa mire ce policier véreux. Un peu dandy, bien habillé, se promenant dans une voiture de luxe, Disaster (quel prénom !!!) est hanté par un événement mettant en scène la violence excessive de ce policier véreux.
Voilà donc les quatre ingrédients qui font de ce roman un récit prenant, haletant, écrit dans un style qui a du punch, avec un peu d’humour malgré la noirceur et la violence de chacune des pages de ce roman. Roger Smith a maitrisé, dès ce premier roman, toutes les ficelles du roman noir et du polar en nous présentant une société qui se remet mal des conséquences d’une politique raciale encore ancrée dans chacun de ses habitants. L’Apartheid n’existe plus mais elle habite encore le coeur des Africains du Sud.
Et commence alors, une danse macabre où les acteurs s’enfoncent de plus en plus dans le crime, l’immoralité, le racisme, la pauvreté et le mal-être racial; seuls moyens qu’ils connaissent pour se sortir de leur misère, seuls moyens qu’ils appliquent et qui les enfoncent dans leur pauvreté, leur crimes ... et leur misère.
«Il savait bien que pour remporter une guerre politique en Afrique du Sud- et si des négros y étaient impliqués, elle ne pouvait être que politique-il fallait savoir donner des pots-de-vin aux acteurs clés. Un sacré tas de pognon, déposé au bon endroit, pouvait effacer bien des ennuis.
Leur donner de l’argent. Ou les tuer.»
Voici quelques extraits pouvant illustrer le style de Roger Smith ... et le ton de ce roman:
«Un homme de relations publiques dont la langue avait fini par se souder au cul de ses maîtres.»
«Il ne voulait ni l’argent de la Snipper Security, ni son putain de boulot. Il voulait le gros flic. Il allait le dépecer comme un cochon, des couilles jusqu’à la gorge, puis il l’éviderait et regarderait ce gros dégueulasse mourir en essayant de tenir ses entrailles dans ses bras.»
« ... Rikki avait été grillé au point d’en être plus croustillant qu’un McNugget.»
Définition d’un tatouage: « ... des oeuvres d’art carcéral.»
«Burn referma la porte et s’y adossa une seconde, le temps de convaincre son coeur de ne pas lui bondir hors de la cage thoracique.»
« ... il consacrait quelques minutes d’intense culpabilité à communier avec son poignet et un numéro du magazine Hustler.»
En conclusion, je vous recommande grandement la lecture de ce roman très noir. Et en tenant compte que «Mélanges de sangs» est un premier roman, soyez assurés que je surveillerai la sortie de son deuxième, déjà publié en anglais sous le titre de «Wake up dead».
Bonne lecture !
Richard, Polar Noir et blanc : http://lecturederichard.over-blog.com/
Mélanges de sangs
Roger Smith
Calmann-Lévy
2011
306 pages
20,50 €
13:55 Publié dans 02. polars anglo-saxons | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |