22/06/2011
On ne badine pas avec les morts (le poulpe), par Laurence Biberfeld
Une chronique d’Albertine
Conseil de lecture
Lecteur qui t’engage dans la lecture de ce poulpe, ne te crois pas en vacances, paressant sur une histoire rigolote entre la baignade et les merguèzes, sur la vague nonchalante des poulpes.
Certes on rigole, et pas qu’un peu : le cahier des charges du poulpe est rempli : les métaphores sont fleuries comme en témoigne la torride scène d’amour entre Gabriel et Chéryl : « il eut l’impression de baiser dans le cendrier d’une locomotive à vapeur. (…) Chéryl haletait comme une bande de scouts en train de monter une tente » etc…
Et ce livre nous donne aussi une vision décalée des relations zumaines qui nous réjouit.
Ainsi en est-il de Chéryl, endossant la posture de la nana libérée qui drague, jouit et passe à autre chose, chose réservée normalement au mec, lequel pour Chéryl peut être bandant et jetable : « En attendant, dans les bras de cette brute habillée d’une chair flatteuse, elle, Chéryl, fondait bêtement ». Elle, la femme, peut également fondre pour la chair de l’homme sans désirer pour autant souscrire au mariage : « Merde alors, il était beau certes, mais on pouvait sans se planter, le qualifier de vraie patate ».
Pour autant, lecteur bien aimé, tu n’es pas en vacances avec ce poulpe ! Une histoire organisée au cordeau, t’oblige à ne pas en oublier une miette, dans le défilé des protagonistes dont tu ne comprends pas immédiatement le rôle ; avec en italique, un journal intime qui s’interpose dans le récit sans que tu en piges tout de suite la raison d’être. Tu feras ainsi l’apprentissage de la patience, de la confiance éclairée, et du plaisir d’avoir malgré tout compris car tu seras payé au centuple de cette concentration studieuse sur une histoire qui va non seulement t’amuser, mais t’apprendre de l’histoire, avec un grand H : celle de la fondation de l’Etat d’Israël et des turpitudes de son fondateur.
Au total, notre Poulpe a bien rempli son contrat : il se décide à enquêter sur la mort d’un gamin accusé d’avoir tué sa mère pour 20 euros, en lisant le journal au Pied de Porc à la Sainte Scolasse; il se paiera sur la bête en piquant l’argent nécessaire pour couvrir ses frais de voyage, recevra le nombre requis de coups sur la tête et ailleurs (ces coups, je ne les ai pas comptés, mais vous serez admiratifs de la capacité de récupération de Gabriel, même avec les baumes dont il va se faire badigeonner par diverses femmes dans le monde entier) ; il arborera les mêmes convictions libertaires qui font notre bonheur ; il aimera toujours Chéryl (cf plus haut le cendrier dans la locomotive à vapeur), laquelle (je vous dis que cette femmes nous venge toutes ! ) sera active dans la résolution de l’enquête. C’est une enquête dont seule l’auteure maitrise parfaitement le déroulement, dont nous perdons parfois le fil, dans le méandre des relations entre les divers protagonistes qui nous sont révélées au détour d’une page et d’un coup de baston.
C’est pourquoi j’en reviens à mon conseil initial : amie lectrice, ami lecteur, empare-toi de ce poulpe, et dévore-le. Ne laisse pas l’oubli s’installer entre deux chapitres, qui pourrait t’obliger à revenir en arrière pour savoir où tu en es du roman : avale-le goulûment, et remercie Laurence Biberfeld de t’avoir régalé.
Albertine, juin 2011
On ne badine pas avec les morts
Laurence Biberfeld
Poche: 198 pages
Editeur : La Baleine (10 septembre 2009)
Collection : Le Poulpe
6,50 €
Présentation de l'éditeur
Tout part à vau-l'eau. Pedro est assailli par des wagons de souvenirs et hanté par un amour de jeunesse, rencontré et perdu en Israël où il avait fui au début de la guerre. Chéryl a mis le grappin sur un beau mâle dont le défaut majeur est de vouloir à tout prix faire d'elle une mère de famille ! A 14 ans, un gamin se suicide en détention après avoir, selon la police, assassiné sa mère pour 20 euros. Le Poulpe, qui s'est mis en tête de prouver l'innocence du jeune garçon, croise le chemin de deux tueurs qui traînent dans la capitale et écument les conférences anarchistes. La rencontre est frontale, brutale. Et elle propulse Gabriel dans une enquête où se croisent et s'entremêlent histoires familiales, destins historiques, parcours individuels, enjeux politiques et intérêts commerciaux....
16:00 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |